Ils le disent: ce traité c’est le TCE camouflé

Michel Soudais  • 20 octobre 2007
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Le nouveau traité européen adopté au sommet de Lisbonne dans la nuit de jeudi à vendredi, est-il très différent de traité constitutionnel européen, rejeté par les peuples français et néerlandais au printemps 2005? Non. Et nous ne sommes pas les seuls à le dire.

Voici ce qu’en dit, ce 19 octobre, Valéry Giscard d’Estaing , l’ex-président de la Convention qui avait été chargée de rédiger le projet de Constitution européenne, sur son blog: «Le texte adopté reprend l’essentiel des dispositions du Traité constitutionnel.»

Et d’ailleurs, ajoute-t-il, «la France n’a pas obtenu les changements réclamés par certains des partisans du « non » au référendum. La concurrence « libre et non faussée » figure toujours dans le projet (…) et la primauté du droit européen sur le droit national est confirmée» .

Depuis le sommet européen de juin, où l’architectue du nouveau texte a été mise au point dans les moindre détails, l’ensemble des dirigeants européens tiennent le même discours que l’Ex: Le texte que l’on nous sert en prétendant qu’il est un «traité simplifié», voire un «mini-traité», a le même contenu que le traité constitutionnel rejeté. Contrairement à ce que Nicolas Sarkozy, ses amis politiques et la presse complaisante, veulent nous faire croire.

« La substance de la Constitution est maintenue. C’est un fait. » Angela Merkel , Chancelière d’Allemagne, alors présidente de l’Union européenne, The Daily Telegraph , 29 juin 2007.

« C’est essentiellement la même proposition que l’ancienne Constitution. » Margot Wallstrom , Commissaire européen, Svenska Dagbladet, 26 juin 2007.

Le Parlement européen « se félicite (…) que le mandat préserve en grande partie la substance du traité constitutionnel. » Article 8 de la résolution adoptée par le Parlement européen le 11 juillet 2007 — Rapport Leinen A6-0279/2007.

« Nous n’avons pas abandonné un seul point essentiel de la Constitution… C’est sans aucun doute bien plus qu’un traité. C’est un projet de caractère fondateur, un traité pour une nouvelle Europe. » Jose Luis Zapatero , Premier ministre du Royaume d’Espagne, discours du 27 juin 2007.

« 90% [de la Constitution] sont toujours là…ces changements n’ont apporté aucune modification spectaculaire à l’accord de 2004. » Bertie Ahern , Premier ministre de la République d’Irlande, Irish Independent , 24 juin 2007.

« Seuls des changements cosmétiques ont été opérés et le document de base reste le même. » Vaclav Klaus , Président de la République Tchèque, The Guardian , 13 juin 2007.

« Il n’y a rien du paquet institutionnel originel qui ait été changé. » Astrid Thors , Ministre des Affaires européennes de la République de Finlande, TV-Nytt, 23 juin 2007.

« Ce qui est positif c’est … que les éléments symboliques aient été retirés et que ce qui a réellement de l’importance — le coeur — soit resté. » Anders Fogh Rasmussen , Premier ministre du Royaume du Danemark, Jyllands-Posten , 25 juin 2007.

« Toute la Constitution est là ! Il n’y manque rien ! » Jean-Louis Bourlanges , ancien membre de la Convention sur l’Avenir de l’Europe, député européen (UDF), France Culture, 24 juin 2007.

« Le traité pour une Constitution a été conservé en substance. » Site du gouvernement de la république d’Autriche, 25 juin 2007.

« Le nouveau traité reprend les éléments les plus importants du traité Constitutionnel. » Guy Verhofstadt , Premier ministre du Royaume de Belgique, Agence Europe, 24 juin 2007.

« En ce qui concerne nos conditions, j’ai souligné trois « lignes rouges » portant sur le respect du texte de la Constitution : conserver un président permanent de l’Union, un seul responsable de la politique étrangère et un service diplomatique commun, préserver l’extension du vote à la majorité, la personnalité juridique unique de l’Union. Tous ces éléments ont bien été conservés. » Romano Prodi , Président du Conseil italien, ancien Président de la Commission européenne, La Repubblica , 24 juin 2007.

« La Lituanie a rempli 100% des objectifs qu’elle s’était fixés avant la réunion, y compris celui essentiel du maintien de la substance du traité Constitutionnel. » Bureau du Président de la République de Lituanie, communiqué de presse.

« La substance a été préservée du point de vue du Luxembourg. » Jean-Claude Juncker , Premier Ministre du Grand Duché de Luxembourg, Agence Europe, 24 juin 2007.

« Avec ce nouveau traité, l’UE préserve un contenu qui n’est pas essentiellement différent du Traité Constitutionnel… Toutes les solutions institutionnelles importantes demeurent.. Certains éléments symboliques ont été effacés et certaines formulations atténuées. » Janez Jansa , Premier ministre de la République de Slovénie, Cellule de Communication du Gouvernement.

Le mêmes justifient avec parfois un cynisme certain l’absence de transparence qui a présidé à l’élaboration du texte ainsi que son caractère illisible . Comme le reconnaît crûment le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Junker , « bien entendu, il y aura des transferts de souveraineté. Mais serais-je intelligent d’attirer l’attention du public sur ce fait ? »

« Une dernière trouvaille consiste à vouloir conserver une partie des innovations du Traité constitutionnel, et à les camoufler en les faisant éclater en plusieurs textes. Les dispositions les plus innovantes feraient l’objet de simples amendements aux traités de Maastricht et de Nice. Les améliorations techniques seraient regroupées dans un Traité devenu incolore et indolore. L’ensemble de ces textes serait adressé aux Parlements, qui se prononceraient par des votes séparés. Ainsi l’opinion publique serait-elle conduite à adopter, sans le savoir, les dispositions que l’on n’ose pas lui présenter en direct ! » Valéry Giscard d’Estaing , Le Monde , 14 juin 2007.

« Le but du Traité Constitutionnel était d’être plus lisible… Le but de ce traité est d’être illisible…La constitution voulait être claire alors que ce traité devait être obscur. C’est un succès. » Karel de Gucht , Ministre belge des Affaires étrangères, Flandre info , 23 juin 2007.

« C’est incroyable tout ce qu’on a glissé sous le tapis ! » Gérard Onesta , député européen (Vert) devant la Commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, 25 juin 2007.

« Il a été décidé que le document devrait être illisible. S’il est illisible, c’est qu’il n’est pas constitutionnel ; c’était là l’idée…Si vous parvenez à comprendre le texte au premier abord on risquerait des appels à référendum, parce que cela signifierait qu’il y a quelque chose de nouveau. » Giuliano Amato , ancien Président du Conseil Italien, ancien vice-président de la Convention sur l’Avenir de l’Europe, Réunion du Center for European Reform à Londres, 12 juillet 2007.

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