Rapport Attali : la contre-expertise

Thierry Brun  • 1 février 2008
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On attendait à gauche une analyse du rapport de la commission pour la libération de la croissance française présidée par Jacques Attali. Elle est enfin disponible, mais elle n’est pas venue d’un parti socialiste qui est apparu très divisé sur le contenu de ce rapport. Ségolène Royal, qui l’a reçu des mains même de l’ex-conseiller de François Mitterrand, a estimé que ses propositions étaient un cadeau pour la France. « Je pense que tout ce qui va dans le sens du déblocage de ce qui freine l’initiative doit être pris en considération », a aussi jugé la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes.

Certes, il y a eu aussi de vives critiques venant du PS. Le secrétaire national aux Entreprises, Alain Vidalies, a jugé que le rapport Attali contenait « plusieurs propositions lourdes de menaces sur le droit du travail et les garanties sociales des salariés ». Il ouvre la voie à « une régression sociale majeure », juge le député des Landes.

Mais la contre-expertise est venue d’un think tank indépendant du nom de La Forge (www.la-forge.info). Rappelons que la Forge, dont les membres fondateurs sont Benoït Hamon et Noël Mamère, est née en réaction « à un triple échec de la Gauche. Échec électoral avec la double défaite de 2002 et 2007 ; échec social avec l’éloignement progressif des catégories populaires de la Gauche ; échec idéologique dès lors que la Gauche apparait désormais aux yeux des Français comme le parti de l’ordre ancien tandis que la droite réussit le tour de force d’incarner le camp du mouvement ».

Voici la préface de cette contre-expertise que l’on peut télécharger ci-dessous. « Il existe aujourd’hui une tendance lourde qui vise à soustraire des sujets toujours plus nombreux à l’examen critique, au crible du débat contradictoire et à conclure à l’archaïsme du clivage gauche/droite. On finit par se convaincre qu’il existe une réalité objective, décrite par ceux qui savent, les experts. Conséquence de ce « diagnostic unanime », les solutions (les politiques) peuvent différer sur le dosage ou le rythme, pas sur leur nature.

En 250 pages et plus de 300 propositions, le rapport Attali énumère sans hiérarchie véritable, souvent des poncifs, quelquefois de solides préjugés idéologiques, mais parfois aussi des mesures utiles. Ce bloc où selon son architecte principal « tout se tient », décrit-il la seule politique efficace possible ou une option parmi plusieurs ?

Le rapport Attali doit être lu pour ce qu’il est : un rapport politique, un parti pris évident en faveur des recettes libérales classiques. Cela le rend-il moins sérieux ? À l’évidence non. Cela le rend-il moins légitime ? À l’évidence oui.
D’autres experts réunis par la Forge font à partir des mêmes chiffes, des constats différents. Ils en déduiront d’autres politiques. Ils proposeront d’autres stratégies. Le champ économique même mondialisé propose des options radicalement différentes au choix des citoyens. Notre rôle est de rappeler par cette contre-expertise que ce choix existe ».

Temps de lecture : 3 minutes
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