Livret A : la finance gagne

Thierry Brun  • 12 juin 2008
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Les députés ont adopté le mercredi 11 juin les dispositions relatives à la libéralisation du livret A, lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie (LME). Cette adoption remet en cause les circuits de financement du logement social et elle oriente l’épargne populaire vers les réseaux bancaires dont les besoins de liquidités sont important après la déroute spéculative sur le marché de l’immobilier américain (subprime).

L’enjeu n’est pas mince pour les banques privées. L’on compte aujourd’hui 45 millions de détenteurs de livret A ou bleu et en mars 2008, les encours du livret A atteignaient 124,7 milliards d’euros, soit 7,9% de hausse en un an, tandis que ceux du livret bleu atteignaient 21,7 milliards d’euros.

Les groupes UMP et du Nouveau centre (NC) ont voté pour cette réforme du livret A. Les groupes socialiste, radical et citoyen (SRC) et de la gauche démocrate et républicaine (GDR) on vote contre, estimant que cette réforme « menace le financement du logement social ». Dans un communiqué, daté du 12 juin, intitulé : « L’intérêt général délibérément sacrifié sur l’autel de la finance ! », le collectif « Pas touche au livret A » a exprimé « sa plus vivre indignation après avoir pris connaissance des débats qui viennent de se tenir, à l’Assemblée nationale, sur le démantèlement du système de distribution et de centralisation du livret A ».

Voici la suite du communiqué :
Le Collectif « Pas touche au Livret A » exprime sa plus vive indignation après avoir pris connaissance des débats qui viennent de se tenir, à l’Assemblée nationale, sur le démantèlement du système de distribution et de centralisation du Livret A.

Ces débats témoignent que la place de l’épargne populaire et celle du logement social dans notre pays constituent les cibles toutes désignée du gouvernement. Et cela alors même que notre pays est confronté à une des crises du logement les plus graves qu’il ait eu à connaître.

Face aux arguments développés par l’opposition, arguments souvent inspirés par ceux développés par notre Collectif, Mesdames Lagarde et Boutin ont relayé et conforté sans complexe un seul point de vue : celui du plus puissant lobby qui soit, celui du secteur financier.

Allant bien au-delà des attentes de la Commission de Bruxelles, elles souhaitent offrir aux banques ce que ces dernières s’étaient engagés publiquement et solennellement à ne pas réclamer : la remise en cause de la centralisation complète des fonds collectés auprès de la Caisse des dépôts et consignations, aujourd’hui financeur N°1 du logement social. Ce n’est ni plus ni moins qu’une forfaiture !

Mme Lagarde n’est cependant pas parvenue à imposer totalement sa ligne politique à sa majorité qui a voté, contre sa volonté, un amendement (le N°21) revoyant à la hausse les conditions, prévues dans le projet gouvernemental, de centralisation des fonds auprès de la CDC. C’est un désaveu cinglant pour le ministère des Finances !

Pour autant, Mme Lagarde ne s’avoue pas vaincue. De source bien informée, nous apprenons, aujourd’hui, qu’elle se mobilise très activement pour initier, comme la procédure parlementaire l’y autorise jusqu’au vote final de la loi LME, une nouvelle lecture de l’article amendé afin de remettre en cause le vote des élus de la Nation.

Ce faisant Mme Lagarde confirme que ce gouvernement n’a nulle intention d’éviter à l’avenir tout risque de siphonage de l’épargne populaire qui finance directement le logement social. Et pour cause, c’est à terme l’objectif même de la réforme prônée par le gouvernement !

Quant à l’accessibilité bancaire, à travers le droit au compte, elle sera soumise au bon vouloir des banques qui devront répondre aux conditions fixées par une charte que Mme Lagarde le leur laisse le soin de rédiger. On n’est jamais mieux servi que par soi-même !

Après près de deux siècles au service de la collectivité nationale, les Caisses d’épargne n’ont plus aucune mission d’intérêt général. Cette rupture à été qualifié de « mesure de bon sens » par Mme Lagarde !

Au surplus, les Caisses d’épargne s’apprêtent à supprimer plusieurs milliers d’emplois et à engager un processus de fermeture massive d’agences en zone rurale et dans les quartiers sensibles. Autre mesures de bons sens vraisemblablement pour Mme Lagarde !

L’unité de la Poste et le statut du personnel de la Banque postale sont clairement menacés. Après avoir accordé à cet établissement, aujourd’hui public, le statut de banque de plein exercice (crédit à la consommation et assurance) sans consulter quiconque ni fournir la moindre étude d’impact, on voit mal comment demain Mme Lagarde, ou son successeur, ne décréterait pas la nécessaire autonomie de la Banque postale, par rapport au groupe LA POSTE, au nom du droit de la concurrence « libre et non faussée ».

De même, on voit mal comment Bercy n’exigerait pas la remise en cause du statut de fonctionnaire des agents de la Banque postale amenés à travailler dans une banque de plein exercice ! Quant à la présence territoriale de cet établissement, à l’image des Caisses d’épargne, elle a vocation a profondément se rétracter si l’on en croit la Cour des Comptes qui qualifie ouvertement le réseau postal de « handicap » pour le développement de la Banque postale !

Dans ces conditions qui peut sérieusement prétendre que l’intérêt général sort grandi du débat qui vient de se dérouler à l’Assemblée nationale ?

Face à de telles perspectives délibérément programmées, le Collectif « Pas touche au Livret A ! » dénonce l’action destructrice, en termes de cohésion sociale et territoriale, d’un gouvernement désormais totalement disqualifié pour prétendre, de manière crédible et convaincante, combattre la crise du logement et lutter véritablement contre l’exclusion financière.

Le Collectif « Pas touche au Livret A ! » va interpeller avec vigueur l’ensemble des sénateurs, représentants des collectivités territoriales, afin de les appeler à recadrer le débat en fonction des enjeux d’intérêt général et à prévenir le gouvernement que notre pays n’a rien à gagner à voir le logement social être profondément affaibli et volontairement sacrifié au profit du secteur bancaire et d’un dogmatisme borné qui privilégie sans précaution, ni considération pour les plus modestes et les exclus, « la France des propriétaires » et plus encore les banques qui financent leurs emprunts.

Les membres du Collectif « Pas touche au Livret A ! » :

Intersyndicale du secteur semi-public économique et financier : CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS (CFDT, CGT, FO) – CAISSES D’EPARGNE (CFDT, CGT, SUD, FO) – LA POSTE (FEDERATION SUD PTT) – IXIS (CGT) – CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE (CGT) – BANQUE PALATINE (CGT) – CREDIT FONCIER (CFDT, CFE/CGC, CGT, FO, SUD) – BANQUE DE FRANCE (CFDT, CGT, FO, SIC, SNABF SOLIDAIRES) – IEDOM ET IEOM (CGT) – AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT (CFDT, CGT) – OSEO (CGT) – UBIFRANCE (CGT) – NATEXIS BANQUES POPULAIRES (CGT) et AC !! – AC le feu – AFOC – AITEC.IPAM – ANECR – APEIS – Association Française des Victimes du Saturnisme (AFVS) – ATTAC – AutreMonde – CGT Crédit Lyonnais Ile de France – Collectifs Anti Libéraux – Collectif LBO – Collectif SDF Alsace – Confédération Paysanne – Coordination Anti Démolition des Quartiers Populaires – Comité des Sans Logis (CDSL) – Confédération Nationale du Logement (CNL) – Droit au Logement (DAL) – Droits Devant !! – Fédération CGT Finances – Fédération Nationale des Collectifs de Défense des Services Publics – Euromarches – Fondation Copernic – FSU – Indecosa/CGT – Jeudi Noir – Ligue des Droits de l’Homme (LDH) – Ministère de la Crise du Logement – Mouvement National des Chômeurs et Précaires – Réseau Alerte Inégalités – Résistance Sociale – SNP-FO – SNUP-CDC – UNEF – Union Syndicale Solidaires

Temps de lecture : 7 minutes
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