Rue89 et France Inter : la fausse exclusivité sur la caisse noire de l’UIMM

Thierry Brun  • 6 juin 2008
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Présenté comme un témoignage exclusif recueilli par Rue89 et France Inter le vendredi 6 juin, les révélations sur le détournement de l’argent de la formation professionnelle par le patronat de la métallurgie (UIMM) n’ont rien d’exclusif.

Les révélations de Rue89 et France Inter sur les circuits de financement d’organismes de formation professionnel rattachés à l’Union des industries des métiers de la métallurgie (UIMM), principale fédération du Medef, ont été publiées il y a plus d’un mois dans Politis (n° 1000, daté du 30 avril 2008) et sont disponibles sur le site du journal (http://www.politis.fr/Mauvais-fonds,3614.html?var_recherche=mauvais%20fonds).

Le contenu de l’enquête publiée dans Politis va bien plus loin dans son contenu que ce que l’on peut lire sur le site Rue89 sous le titre : « UIMM: la caisse noire remplie par des stagiaires fantômes » et que France Inter a longuement repris. Nous faisons mention d’un « dossier sensible » du 24 octobre 1997, dans lequel Annick Lepage a détaillé les mécanismes, ainsi que les organismes concernés, par les détournements des fonds de la formation professionnelle. Nous indiquons aussi que les dirigeants de l’UIMM, Denis Gautier-Sauvagnac et son adjoint Dominique de Calan, étaient informés de dossier et de l’ampleur des détournements.

Les coulisses d’une enquête

L’exclusivité revendiquée par les deux médias est abusive. Quand nous avons débuté cette enquête, il y a deux mois, une informatrice, ancienne déléguée régionale d’une fédération du Medef, mais toujours en activité, demandant de respecter son anonymat, nous a fourni des documents internes apportant la preuve de détournements de l’argent public au profit de la nébuleuse que forme l’UIMM. Nous publierons prochainement quelques unes des « révélations » sur ce sujet que les médias cités dans cet article n’ont curieusement pas encore publié. Il y a sans doute différente façon de réaliser une enquête…

Cette personne nous a mis en relation avec l’un des témoins dont le juge Roger Le Loire a enregistré la déposition, en particulier Annick Lepage. Nous avons rencontré cette personne et nous l’avons contacté à de nombreuses reprises pour avancer dans notre enquête, ainsi que d’autres personnes. Certains des propos d’Annick Lepage ont été confirmés par un ex-dirigeant des « questions de formation » de la Fédération des industries mécaniques (FIM), dont le témoignage est aussi dans le dossier du juge Le Loire.

Toujours en ce qui concerne la corruption en matière de formation professionnelle, nous avons aussi consulté les rapports du service central de prévention de la corruption (SCPC) qui sont disponibles sur Internet. Nous rappelons que dans le rapport 1998-1999, il est écrit que dans le secteur de la formation professionnelle « la fraude et la corruption règnent car tous les intervenants ont un intérêt à frauder, aussi bien les stagiaires que les organismes de formation, les organismes collecteurs ou les entreprises ». Donc, bien avant les « révélations » de Rue89 et de France Inter, nous avons enregistré et demandé, auprès d’autres sources, la confirmation du témoignage d’Annick Le Page. C’est pourquoi Politis a publié le 30 avril, en « exclusivité », le fruit de cette enquête qui a été écrite et imprimée avant que MédiaPart publie sa propre enquête à partir de la déposition d’Annick Lepage.

A propos de MediaPart, Annick Lepage nous a contacté par téléphone pour nous prévenir ne pas avoir été informée par les journalistes de la publication du contenu de sa déposition sur le site de MédiaPart. L’article de MediaPart fut bizarrement publié juste avant que paraisse dans les kiosques et maisons de la presse le numéro de l’hebdomadaire contenant notre enquête.

Nous rappelons qu’aucun de ces médias n’a pour l’instant publié ce que nous avons appris sur le détournement de l’argent public. Pourtant une enquête sérieuse aurait pu amené ces médias à remonter les différentes sources qui nous amené à publier dans un premier temps cette enquête sur le détournement de l’argent de la formation professionnelle.

Temps de lecture : 4 minutes
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