La drôle de démocratie de l’UMP

Michel Soudais  • 6 novembre 2008
Partager :

Il s’en passe de belles à l’UMP ! Le grand parti populaire du président doit renouveler ses cadres le 15 novembre. Mais la procédure paraît aussi démocratique qu’une élection dans la Russie de Poutine. C’est ce que montre la mésaventure survenue à Cyrille Déchenoix, conseiller général des Hauts-de-Seine, qui brigue la tête de l’UMP d’Asnières.

Le plus naturellement du monde, ce jeune élu a envoyé un courrier à tous les militants dont il connaissait l’adresse pour les informer de sa candidature et de son programme. Mal lui en a pris. En retour, il s’est pris une volée de bois vert et un rappel au règlement de la part du secrétaire départemental de l’UMP, le sénateur Jacques Gautier.

«Démarche irrégulière»

« Cette démarche est irrégulière et en opposition totale avec le règlement des opérations électorales arrêté » par l’UMP, s’emporte ce bras-droit de Patrick Devedjian dans une lettre adressée, elle, à tous les adhérents UMP d’Asnières (téléchargeable à la fin de ce post). Ces derniers découvrent alors, stupéfaits, que le candidat Déchenoix, dont un bon nombre ignoraient encore qu’il l’était, a contrevenu aux quatre règles maison du scrutin et est accusé de « fausser l’élection » et de créer ainsi « une inégalité entre les candidats » . Quelles sont ces règles ?
– les candidatures ne sont effectives qu’au terme du délai fixé pour les déposer et en conséquence rien n’autorise à les rendre publiques avant cette date.
« Aucun cadre n’a le droit d’utiliser le fichier des adhérents. »
« Seul le Secrétaire (ou le chargé de mission) est habilité à adresser des courriers ou à organiser des réunions électorales dans les circonscriptions. »
« La profession de foi ne peut comporter ni photo, ni logo, ni signature scannée. »

En résumé, il n’est pas interdit d’être candidat, mais il est interdit de le faire savoir , fut-ce en usant de son carnet d’adresse personnel. Tout candidat doit confier la direction de sa campagne au chef à plume qui gouverne l’échelon supérieur et se contenter de l’envoi d’une profession de foi modèle 1910. Admirable démocratie !

La vraie faute de Cyrille Déchenoix

A 35 ans, ce militant présente pourtant toutes les garanties nécessaires pour ce poste. « Asniérois depuis toujours » , il revendique de connaître « chaque recoin de la ville » . Il s’engage à « soutenir la politique du Président » , ce qui est bien le moins quand on est un petit soldat du parti présidentiel. Enfin, conseiller général des Hauts-de-Seine, délégué à la Jeunesse et aux sports, il se dit proche de Jean Sarkozy. Une référence dans le département ! Seulement, voilà, Cyrille Déchenoix, qui est conseiller municipal d’opposition depuis qu’en mars un «arc républicain» conduit par le socialiste Sébastien Pietrasanta a arraché la ville au très contesté Manuel Aeschlimann, dont il était un des adjoints depuis 2001, s’est désolidarisé de la gestion de ce dernier.

Dès le deuxième conseil municipal de la mandature , le 7 avril 2008, Cyrille Déchenoix, dans une longue intervention reproduite sur son site, s’en est pris en terme vif à sa tête de liste, accusant l’ancien maire, mais toujours député, d’avoir «menti» à ses collègues, à ses colistiers et plus inconcevable aux Asniérois. Le débat portait un rapport d’observations définitives de la Chambre Régionale des Comptes d’Ile-de-France particulièrement accablant pour la gestion de Manuel Aeschlimann. Rapport que l’élu avait caché jusqu’aux municipales, niant jusqu’à son contenu.

Des règles variables

Dénonçant dans la lettre de Jacques Gautier une «intimidation grave» , Cyrille Déchenoix se dit victime d’un «interdit» personnel, les règles qu’on lui impose n’étant pas applicables à d’autres: Lionel Rainfray, candidat sur la ville de Colombes, a organisé le 29 octobre, dans une salle municipale, un repas réunissant les adhérents pour leur présenter son programme et son équipe, raconte-t-il. «Des candidats sur Paris en font de même en menant campagne, ce qui parait normal et démocratique.» Le 18 octobre, il s’étonnait en revanche, dans un courrier de réponse à Jacques Gautier, que Manuel Aeschlimann invite tous les adhérents UMP «à visiter l’Assemblée nationale» , dans une lettre adressée «aux frais des contribuables, durant la période préparatoire aux élections internes» .

«Les règles semblent varier en fonction de l’identité des candidats !!», déplore-t-il. Avant d’expliquer le parti-pris de la direction départementale de l’UMP par l’enjeu de ce scrutin: « Il s’agit, pour le couple Aeschlimann battu à la mairie, de conserver la main mise sur l’U.M.P. d’Asnières en soutenant Jean-Claude Boutiffard, un proche, candidat à sa propre succession au poste de chef de file de l’U.M.P. d’Asnières. L’avenir sur cette ville est en jeu avec en toile de fond le leadership pour les prochaines élections législatives et municipales.»

Qui a dit, vendredi dernier sur LCI : «A l’UMP aujourd’hui, il y a un vrai travail d’équipe» ? Le même ministre ajoutait d’ailleurs que «l’UMP n’est pas le PS. Si on voit un parti qui se tire dans les jambes, c’est au PS qu’il faut regarder, pas à l’UMP.» Quand il présente ses réformes de la législation sociale, comme lorsqu’il assure que son parti est démocratique, Xavier Bertrand (puisque c’est lui) travesti toujours la réalité. L’UMP n’est pas le PS, effectivement, monsieur le ministre et secrétaire général adjoint. L’UMP est bien pire…


Temps de lecture : 5 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don