Fink Tank

Sébastien Fontenelle  • 17 juillet 2009
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De la même façon que les Yanks , période bleue, ont offert au monde, parmi d’autres nombreux (et non moindres) bienfaits (je pense, notamment, à Henry Kissinger, à George Walker Bush et, bien sûr, au F-4 Phantom ), les think tanks (du grec ancien think , méditation, et tank , AMX-30), nous devons, nous, Françai(se)s[^2], nous enorgueillir, je le crois, d’une invention bien d’cheux nous, (mais) qui elle aussi contribue (très) nettement à l’épanouissement du genre humain: le fink tank (du nom du haut penseur Alain Finkielkraut), qui est à la fois (et pour un prix modique) une infaillible méthode déductive, et une permanente invitation, «furieusement philosophique» (Pierre-André Tagada dixit ), à ne jamais rien tenir pour acquis.

Méthode déductive certifiée, le fink tank permet (notamment) à n’importe quel pauvre mec boutonneux (mais) doté d’un minimum de sens de l’observation de s’orienter – fût-ce, on va le voir, dans un environnement peuplé d’indigènes de couleur (et par conséquent hostiles) – sans demander son chemin à un keuf, par le seul moyen d’une courte (mais décisive) série de recoupements de niveau 9 sur l’échelle de Sherlock.

Ainsi, d’après cette méthode (éprouvée), si par exemple tu vois deux Noirs autour de toi, c’est que tu es dans Bamako.

Si tu vois en revanche deux Noir e s, mais flanquées d’une centaine d’enfants: tu es dans une dissertation d’Hélène Carrère (de la Cadémie) sur la pandémique polygamie des Nègres des faubourgs.

Et si enfin tu vois autour de toi onze Noirs, vêtus de maillots bleus, alors le fink tank et formel: tu es au Stadefrance (et l’Europe entière se fout de ta gueule, parce que bon, quand même, tous ces Blacks, très sincèrement, ça fait un peu négligé).

Avoue que c’est d’une efficacité autrement plus redoutable que celle d’un GPS.

Deuxième avantage du fink tank (pour le même prix, tu noteras): il est aussi, te disais-je, une (authentique) pensée en permanente évolution (et par conséquent au moins aussi (follement) stimulante que les mots croisés du Nouvel Observateur ).

Le 26 juin dernier, par exemple, son représentant le plus fameux, Alain Finkielkraut himself , lâchait dans Le Figaro (de Serge Dassault) cette rude (mais si raffinée) considération: «Le multiculturalisme a ceci de singulier qu’il légitime et célèbre toutes les cultures sauf celle du pays hôte, invitée, afin de faire la place, à se dissoudre» .

Et pas plus tard qu’hier (vois je te prie l’évolution de la pensée), interrogé par une amie, le même Alain Finkielkraut lançait dans Le Point (de François Pinault) cette non moins rude (mais non raffinée) remarque: «On propose à nos sociétés un avenir multiculturel, et le grand paradoxe du multiculturalisme, c’est que toutes les cultures sont les bienvenues à l’exception d’une seule, la culture du pays hôte» .

Aaaaah ben ouais, vas-tu me dire, mais, attends, mon gars, c’que nous avons là, ce n’est pas (du tout) une pensée, premier point, et, deuxième point, ce n’est pas (du tout) non plus évolutif: on a plutôt quelque chose comme une espèce de réactionnaire de compétition qui répète exactement la même chose, à trois semaines d’intervalle, dans un rade de droite, puis dans un autre, de droite itou, et tu peux être sûr que cette histoire de multiculturalisme va lui faire les six prochains mois, remember , il nous a déjà fait le coup avec l’antiracisme-sera-le-communisme-du-vingt-et-unième-siècle.

Et je dois reconnaître, ma foi, que tu n’as pas complètement tort – et que du coup le fink tank est peut-être moins formidablement performant que je ne l’ai d’abord cru.

Mais aussi, quel besoin ont toutes ces méchantes gens venues d’ailleurs (et qui souventes fois se planquent sous des burqas d’airain) de sauter à pieds joints sur notre culture-du-pays-hôte?

[^2]: De souche, essentiellement – what else ?

Publié dans
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Temps de lecture : 3 minutes
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