La Presse «Critique» Martine Aubry

Sébastien Fontenelle  • 16 juillet 2009
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Non, les ami(e)s: je n’ai pas de sympathie particulière pour Martine Aubry.

(N’oublions tout de même pas qu’elle est “socialiste”, pouah, pouah, pouah, c’est affreux comme ce mot fait la bouche pâteuse.)

Mais je trouve quand même intéressant l’écho de son altercation avec Manuel Valls (qui est de droite) – non pour lui-même, évidemment (l’épisode confirme surtout, si besoin était[^2], que la rue de Solférino, où le P“S” a le siège, abrite un repaire de pitres), mais pour ce qu’il révèle (ou confirme, disons) des grotesques plis de la gent médiatique.

Outre, en effet, que Laurent Barbiche, patron de Libération et grand précurseur de la “pensée” (un bien grand mot) vallseuse[^3], se porte ce matin, dans un éditorial (évidemment) burlesque, au (prompt) secours du maire d’Evry, jugeant moyennement «justifiée» la «mise en demeure adressée à Manuel Valls» , Nouvelobs.com rapporte (avec fidélité) que, plus généralement, «la presse critique» Martine Aubry, et, choisissant la liberté, crie, pâmée, comme fait dans La Presse de la Manche un certain Jean Levallois, que Valls est de ces (courageux mais plus tout) jeunes gens «qui veulent faire bouger» le P“S” (mais dont l’enthousiasme réformateur se fracasse contre les marmoréennes inerties d’un parti resté foncièrement communiste), ou (comme fait a man called Hervé Chabaud dans L’Union ) que l’excellent Manu «a le courage de parler vrai» , alors que, par comparaison, Aubry serait une vieille chose encroûtée dans un mausolée marxiste-léniniste[^4].

Or, en l’occurrence, d’où vient que ces deux-là, Aubry et Valls, ont publiquement des mots?

Cela vient de ce que Manuel Valls, depuis de looooongues années, mordant la main qui le nourrit (de grasses nourritures de l’esprit) et sachant parfaitement (nous venons, tu le noteras, de le vérifier encore) que les journaleux n’aiment rien tant que son incessante péroraison péri-sarkozyque, se (com)plaît à déféquer d’une très, très haute hauteur sur le Parti “socialiste” – divertissement qui, en soi, mériterait qu’on l’acclamât, je n’en disconviens pas, mais qui, au cas précis, est depuis lurette l’expression, camouflée sous le cheap vernis d’une “modernité” à deux balles, d’un credo sécuritaire et libéral qui fait quand même bien mal aux c… Aux parties.

(Socialistes.)

C’est un peu tout cela que Martine Aubry énonce, quand elle observe: « Il n’y a pas un jour, mon cher Manuel, où tu n’expliques aux médias que notre parti est en crise profonde, qu’il va disparaître et qu’il ne mérite pas de se redresser» [^5].

Perso, pour le coup?

Je me sens comme Aubry (et, nom de Dieu, ça fait tout drôle): le mec un peu arrogant qui se pointe chez moi, vide le frigo, et, juste après, commence à pisser partout sur la moquette va, je suppose, me lasser un peu vite – et je voudrais, par conséquent, et pour mieux prendre la mesure de sa dissertation du jour, poser la question de confiance à Jean Levallois, de La Presse de la Manche .

Jean, ma c… Mon ami.

Admettons que tu embauches un jeune diplômé d’une école de formata… De journalisme, afin que de le former aux rudes (mais belles) finesses de l’éditorial dominant, et que, sitôt qu’installé, il se mette à dégueuler dans ton bureau en criant que la déco est minable, et que d’ailleurs, tu devrais aussi changer fissa le nom de ton piteux canard, vu que, sincèrement, La Presse de la Manche , en 2009, Jean?

C’est carrément peu moderne.

Tu l’acclamerais, sur le thème vas-y, petit, fais-moi encore «bouger» sur des chauds rythmes libéraux?

Ou tu giclerais vite fait le désolant relou?

[^2]: Et besoin n’est pas.

[^3]: C’est lui, rappelons-nous, qui dès 1984 hurlait que l’avenir de la gauche était dans les marchés.

[^4]: Si tu veux faire carrière dans l’éditorialisme, n’oublie jamais de mettre dans tes papiers quelques profondes locutions, comme faire bouger ou parler vrai , qui ne veulent strictement rien dire, mais qui, immanquablement, feront de toi un professionnel de la profession.

[^5]: Diagnostic dont la justesse impressionne, répétons-le, mais qui est formulé, redisons-le aussi, par un gars que rien ou presque ne différencie, par exemple, d’un Jean-François Copé.

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