L’Intelligence Au Grand Gallo

Sébastien Fontenelle  • 23 juillet 2009
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Si tu as ces temps-ci de quoi dépenser 3,50 euros par semaine, tu vas t’érudir velu, j’te l’annonce.

L’hebdomadaire Le Point , connu pour sa hauteur de vue(s), et considérant que «l’été est le temps d’une réflexion apaisée, plus profonde, sur nous-mêmes, notre société et les forces politiques qui l’animent» , te «propose» , en effet, pour cette modique somme, «une série d’entretiens avec des intellectuels sur l’État de la France et la vie politique deux ans après l’élection de Nicolas Sarkozy» .

Et alors, très sincèrement?

Ça pétille d’un authentique raffinement, qui ravit l’esprit et le coeur.

La semaine dernière, c’est Finkie, le fameux, qui a ouvert ce bal estival de l’intelligence, en rappelant notamment que la burqa, c’est pas bien, et qu’une société multiculturelle, d’accord, why not , on n’est pas (non plus) des bêtes – mais dans une proportion idéale de un pour vingt millions (dix à onze Nègres sur un terrain de foot sont déjà presque plus qu’il n’en faut), et à condition, il va de soi, que les mahométans n’abolissent pas le camembert au lait cru, ou si je fais donner Ordralfabétix?

Et cette semaine, joie: c’est Max Gallo qui offre au monde (comme tous les mois dans Le Point , même aux saisons les moins propices à une réflexion (plus) profonde) ses vives saillies sur la vie.

C’est (le fidèle) Saïd Mahrane (qui jamais ne déçoit) qui recueille son oraison, et qui, très hardiment, le pousse dans ses retranchements, par une série de questions qui resteront, je crois, dans l’opulente histoire de l’impertinence médiatique.

Celle-ci, par exemple: Maxou, «avez-vous constaté une métamorphose du président de la République, aujourd’hui amateur de littérature classique, plus serein dans l’exercice du pouvoir?»

Brièvement déstabilisé par l’excessive brutalité de la formulation (du moins peut-on le supposer), Max Gallo s’ébroue, et, d’une langue chargée d’amour, fait cette roborative réponse: «Ayant toujours pensé qu’il était d’une vivacité intellectuelle remarquable, je ne suis pas surpris par les portraits de « l’homme nouveau » que l’on dresse. Je ne l’ai jamais pris pour un inculte. C’est quelqu’un d’une très grande curiosité, prisonnier de rien et n’ayant aucun préjugé» – sluuuuurp.

(Kozy n’a aucun préjugé: tu serais gentil(le) de noter ça dans ton calepin, tu t’en resserviras.)

Saïd, alors, piège (salement) l’académicien lécheur, par une question méchante: «Mais dites-moi, petit personnage, est-ce que votre propre épouse n’était pas candidate, aux élections européennes, sur les listes, précisément, du parti régimaire dont vous flattez ici le chef avec une frénésie quelque peu inquiétante?»

Je rigole, bien sûr – deux ans après l’élection de Nicolas Sarkozy, le fidèle Saïd n’est pas (du tout) là pour emmerder Maxou avec des chipotages (ou des chipotements), et lui demande plutôt: «Son épouse n’est pas étrangère à cette nouvelle stature. Y a-t-il un précédent historique?»

Gallo: «Sans comparaison possible, Louis XIV a eu une première partie de vie de grand séducteur, de grand consommateur. Puis, sous l’influence de Mme de Maintenon, il est devenu plus dévôt que libertin» .

Je compare pas, fidèle Saïd.

Mais faut quand même que tu diffuses que Nini Talonnettes me rappelle un peu Louis XIV: j’aimerais que ton lectorat consacre une brève (mais dense) méditation à cette révélation.

Mahrane, au taquet, se rappelant qu’il doit aussi parler de l’état de la vie politique, relance: «Quel est, selon vous, le drame de la gauche française?»

Maxou répond: «Depuis l’effondrement de l’URSS, les socialistes ont du mal à penser qu’il leur faut repartir sur d’autres bases. Qu’il leur faut reconsidérer le rapport avec les sociétés démocratiques et revoir leur discours imprégné de l’idée du front de classes» .

Nouvelle révélation: le P«S» est un nid de communistes nostalgiques.

(Avoue que tu regrettes pas ces 3,50 euros?)

Mais ce n’est pas complètement fini, car le fidèle Saïd veut aussi prendre la température de son patient: «Souffrez-vous des commentaires qui vous présentent comme un homme de gauche ayant tourné casaque?»

Nenni: Gallo «n’en souffre pas» .

Et de préciser: «Si être de gauche est se reconnaître dans les partis politiques, je ne suis plus de gauche» .

Dans la vraie vie, naturellement: nul(le), de nos jours, n’est assez profondément sot(te) pour considérer qu’être de gauche, c’est se reconnaître dans les partis politiques.

Maxou, par conséquent, aurait aussi bien pu répondre quelque chose comme, foutre, si être de gauche implique d’aimer boire tous les matins deux vastes bols d’huile de vidange, alors non, petit gars, je ne suis vraiment pas de gauche: c’eût été aussi pertinent.

Mais en effet: Gallo est de droite.

Il suffit de l’écrire, et son extravagance, tout d’un coup, s’éclaire.

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