Modeste-Henri Lévy Pacifie L’Afghanistan

Sébastien Fontenelle  • 29 septembre 2009
Partager :

Notre plus renommé romanquêteur.

(Le seul, d’ailleurs, maintenant que j’y pense.)

BHL, donc.

Revient, lui-même le narre dans Le Point de la semaine, d’Afghanistan, où il était avec «un groupe de journalistes emmenés par le ministre de la Défense Hervé Morin» – que nous appellerons Momo.

(Tu noteras, je te prie, que la tournure, audacieuse, (nous) suggère que ces «journalistes» , seuls, sont arrivés là-bas dans les valises de Momo, et que BHL, quant à lui, n’était pas (du tout) embedded : il passait dans le coin, il a vu au loin des loupiotes, il s’est approché, il est tombé sur Momo et sa petite séquelle de journaleux, viens me dire après ça que notre monde n’est pas touuuuut petit?)

Manifestement échaudé par son retour de Géorgie de l’an dernier, où des chipoteurs lui ont fait l’affront de montrer qu’il n’avait pas exactement vu toutes ses «choses vues» (et qu’il faisait un peu hâtivement, de quelques champs brûlés, Gori entièrement détruite), BHL, prudemment, prévient que sa «vision» (de la guerre otanique d’Afghanistan) a été, cette fois-ci, quelque peu «limitée, puisque ne concernant que les vallées de Surobi et de Kapisa» .

(En gros, il s’est retrouvé dans la position du gars qui essaierait de voir Béziers depuis la (jolie) vallée de l’Odet: le truc un peu compliqué, même avec beaucoup de bonne volonté.)

Il répète, même, qu’il n’a, du fond des valoches de Momo, «pas tout vu, naturellement» .

Fait-il, dès lors, le choix, sensé, de s’abstenir de toute observation qui ne concernerait pas seulement les vallées de Surobi et de Kapisa?

Évidemment pas.

Il s’ouvre au contraire au monde – qui n’en peut mais – de ses «observations» , qui sont, de son point de vue, «précieuses, car en rupture avec ce que l’on entend presque partout.»

(C’est Modeste-Henri Lévy, back from Surobi.)

Et de fait, il rompt: en un temps où même un enfant de trois ans mal préparé aux finesses de la (haute) pensée militaire occidentale peut constater sans trop se fouler que l’Afghanistan est pour l’OTAN un gigantesque merdier où le taliban lui ménage de vives déconvenues, BHL, de son côté, juge que «les talibans peuvent être vaincus» .

Pour deux raisons.

La première est que «la statégie des militaires» occidentaux «repose sur une idée simple et qui n’a pas grand-chose à voir avec la caricature donnée dans les médias: montrer qu’on est, certes, là pour faire la guerre mais que cette guerre a, aussi, pour enjeu la sécurité, la paix, l’accès aux soins et au savoir d’une population dont la coalition est l’alliée» .

De même, et suivant la même (iconoclaste) idée que la guerre est ( «certes» ) la guerre, mais qu’elle peut aussi être un moment sympa entre potes: l’ US Army fut, naguère, et avec le même (constant) souci de lui apporter l’eau courante et la télévision en couleurs, la meilleure amie de la paysannerie vietnamienne.

( «Certes» , gentil nhà quê : on a défolié ta grand-mère, mais n’oublie (quand même) pas que nous t’apportons l’accès aux soins et au savoir.

Sèche tes larmes, petit Kabouli: nonobstant que ta gentille maman fut ( «certes» ) prise dans ses bombardements, l’armée yankee est ton alliée – qui t’apporte la sécurité.)

La deuxième raison – la plus importante – qui fait que BHL prévoit que les talibans seront vaincus tient dans le (rassurant) constat que les armées de l’OTAN mettent – enfin – en application la doctrine définie au début des années 2000 par un visionnaire (de génie) du nom de… BHL.

Modeste-Henri écrit: «Je me souviens comment, dans mon «Rapport afghan» de 2002 commandé par Jacques Chirac, ma première recommandation était: aider à la constitution d’une armée nationale afghane et lui laisser, dès que possible, la responsabilité d’isoler, puis de défaire, les néofascistes talibans» .

Modeste-Henri ajoute: «Eh bien, c’est ce qui est en train de se passer (…)» .

Modeste-Henri conclut: «Les démocrates afghans peuvent, avec leur alliés, gagner» .

J’espère bien, petit Kabouli, que juste après la victoire tu remercieras Modeste-Henri.

(Au lieu de gratter ton moignon.)

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don