Primaires à gauche: l’objectif des ultras

Michel Soudais  • 4 septembre 2009
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Il faut lire Jacques Julliard cette semaine. Non que ce fort ancien chantre de la gauche « moderne » soit ma tasse de thé. Mais précisément pour ce que ce grand prêtre de la rénonovaaation de la gôche écrit des primaires. Il y a là de quoi faire réfléchir les militants socialistes qui, par naïveté, inconscience ou « moutonisme », pourraient être tenté de donneur leur bénédiction au projet de primaire à gauche qui leur est présenté.

L’indétrônable chroniqueur de «l’Obs» (il a cessé d’être nouveau depuis si longtemps que c’en est canonique) commence par rappeler, au début de son poulet, que la capitulation de Martine Aubry, qui s’est rangée vendredi dernier à La Rochelle au « principe de primaires ouvertes » pour la désignation du candidat socialiste à la présidentielle de 2012 « est le point d’aboutissement d’une campagne dont le Nouvel Observateur a donné le coup d’envoi le 27 octobre 2005 sous la forme d’un appel qui recueillit alors de nombreuses signatures. » Cela je le savais, mais puisque c’est Monsieur Julliard lui-même[^2] qui le dit… nul ne le contestera. Ni d’ailleurs ce détail, qu’il mentionne : à l’époque le patron de l’Obs était un certain Laurent Joffrin, le même qui, à la tête de Libération , a appuyé et lancé, le 26 août, la pétition pro-primaire de Terra Nova. Ce qui prouve au moins que ces gens-là ont de la suite dans les idées à défaut d’en avoir de bonnes.

Illustration - Primaires à gauche: l'objectif des ultras

Mais Julliard n’est qu’à moitié satisfait. Martine Aubry lui a tendu la main, il veut lui arracher le bras. Il réclame donc désormais de « vraies primaires » qui permettent d’en finir définitivement avec les partis politiques. De les tuer, comme BHL voulait en finir avec le PS pour, disait-il au début de l’été, sauver la gauche.

Son raisonnement ? « Nous vivons de facto sous un régime électoral à deux degrés, où les partis s’arrogent le pouvoir de sélectionner les candidatures, le suffrage universel se contentant d’arbitrer entre elles. » Et, à ses yeux, notre démocratie n’a pas fait de progrès « depuis la monarchie de Juillet et suffrage censitaire » . Pire même, « les dispositions qui permettent de se faire désigner comme candidat – ruse, intrigue, démagogie, mensonge – » par un parti ne permettraient pas de faire élire « un Pierre Mendès France, un Raymond Barre et, au premier chef, un Charles de Gaulle » [^3].

D’où l’idée des primaires dont notre homme avoue sans détour aucun que « le but est de tenter d’arracher le système politique tout entier à la relation infantilisante qui existe entre une opinion souvent chloroformée et les professionnels de la politique, en réduisant le rôle des appareils » . Et pour être bien clair, maintenant qu’une étape est franchi, Jacques Julliard estime qu’ « il faudra aller plus loin et permettre l’élection à la députation ou à la présidence d’hommes et de femmes qui ne seraient pas des professionnels de la politique » . L’idée n’est pas nouvelle et n’aurait pas déplu à Pierre Poujade. Mais, malin, le papy grognon de l’Obs , rêve de voir l’Elysée et nos assemblées occupées par des « amateurs » comme l’étaient les élus de la Constituante de 1789 et de la Convention de 1793; ou des « inexpérimentés » comme Bonaparte, de Gaulle (encore !), Pompidou ou Clémenceau[^4]. La quête de modernité est souvent un retour vers le passé.

En l’espèce, le paradis perdu Julliardien se situe « sous la Révolution » quand « les élections se tenaient sans candidats déclarés – on songea même un moment à punir de mort l’acte de candidature – pour permettre aux citoyens de désigner plus librement les meilleurs » [^5]. Il ajoute d’ailleurs : « Nous n’en sommes plus là, ou plutôt nous n’y sommes pas encore. »

Voilà bien l’objectif ultime des inventeurs des primaires ouvertes. Leur démagogique ouverture n’aura de cesse d’obtenir que tout un chacun puisse être électeur et candidat à la place des militants, sans avoir jamais fait quoi que ce soit pour autrui, ni donné son temps pour la défense d’idées ou de causes qui dépassent ses intérêts particuliers. Ce qu’ils veulent ce n’est pas seulement la disparition de « l’éternel carrousel des prétendants » [^6], dont l’éternité est toutefois sans commune mesure avec les pontifiants éditorialistes et chroniqueurs de l’Obs . Ils ambitionnent de « renouveler la donne » en allant chercher les « talents » dans l’université, le syndicalisme, les affaires, l’administration, l’économie, la science.
Ils nous vendent une politique qui deviendrait « quelque chose pour tous » , mais aspirent à installer la synarchie imaginée dans les années 1930 et sous Vichy.


[^2]: Il fait profession d’historien.

[^3]: Si vous pensiez trouver dans cette liste François Mitterrand c’est que vous ignorez tout le mal que l’Obs (qui à l’époque pouvait se dire « Nouvel ») pensait de sa stratégie archaïque (déjà) d’Union de la gauche. Il faudrait que j’y revienne un jour. Puisque l’histoire se prolonge.

[^4]: Qui n’avait jamais été ministre avant de devenir, à 65 ans, président du Conseil.

[^5]: Dans un tel système aujourd’hui, méfions-nous que les électeurs ne désignent les premiers du Top50 des personnalités du JDD. On aurait au mieux Yannick Noah, au pire Johnny !

[^6]: Dominique Strauss-Kahn, Ségolène Royal et François Hollande sont nommément cités.

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