Des Fluctuations Dans L’«Intériorisation Du Regard Des Adultes»

Sébastien Fontenelle  • 11 octobre 2009
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Illustration - Des Fluctuations Dans L'«Intériorisation Du Regard Des Adultes»

Dans leur(s) rapport(s) aux enfants, les adultes se divisent en deux, mon ami(e) – entre, d’une part, de méchants salauds de profs acharnés à perdre les enfants dont ils ont la charge (en leur proposant, par exemple, de répugnants «projets pédagogiques» fondés sur la fréquentation de Riri, Fifi et Loulou), et, d’autre part, le gentil Roman Polanski (et son drôle de zizi).

Tel est du moins l’avis de l’un de nos plus raffinés penseurs (médiatiques): Alain Finkielkraut, also known as Finkie.

De son point de vue, en effet, tel qu’il le développe cette semaine dans l’hebdomadaire Marianne [^2], un terrible danger menace l’école de la République: «Certains enseignants» , lie de l’humanité professorale, utilisent les (rebondies) «cagnottes» que l’État met (libéralement) à leur disposition (avec l’argent de nos prélèvements obligatoires) « pour des projets pédagogiques tels que des sorties à Disneyland Paris» .

Finkie, effondré, complète le portrait de l’indigne fonctionnaire vendu au Mickey Mouse Club: c’est le prof qui, « dès qu’on lui parle «culture» , (…) sort ses exclus ».

(Un sale gauchiste, quoi.)

Ce méprisable personnage est directement responsable du naufrage de l’enseignement républicain, que Finkie décrypte comme suit: «Pour enseigner le logos à des êtres qui ne sont pas spontanément logiques» – les collégien(ne)s de 13 ans, par exemple – «nous comptons, depuis les origines de l’école, sur ce que les gens appelaient l’aidos, la pudeur, la réserve» .

En effet, «comme l’écrit Solange Vergnières, commentant Aristote: «L’enfant qui a le sens de la pudeur (…) écoute ce qu’on lui dit»» .

Or: «Cette intériorisation du regard des adultes a de moins en moins cours» .

La preuve: «La présence et l’utilisation des portables dans les salles de classe en font foi» .

Je résume, pour le cas (douteux) où tu n’aurais pas bien saisi les mille et mille nuances du Fink thinking : «certains enseignants» , perclus de progressisme, ambitionnent (impunément) d’extirper de l’esprit des collégien(ne)s (et autres lycéen(ne)s) de France et de Navarre «l’aidos, la pudeur, la réserve» – alors qu’ils devraient, au contraire, s’attacher à préserver cette «pudeur» qui fait qu’un(e) élève – de 13 ans, mais pas que – «écoute ce qu’on lui dit» .

J’insiste un peu lourdement, mais tu vas voir que c’est nécessaire à une meilleure appréhension des complexités de la pensée d’Alain Finkielkraut.

Car en effet: dans le même temps qu’il donne (dans Marianne ) son avis sur l’école et sur la nécessaire préservation de la «pudeur» des collégien(ne)s (qu’il voit, retiens-le, comme des «enfants» ), Finkie donne également (sur France Inter) son avis sur ce qu’il est convenu d’appeler «l’affaire Polanski» – affaire assez simple au demeurant, où Roman Polanski, je vais le dire un peu crûment, a enculé une gamine de 13 ans, sans trop se soucier de ménager son aidos , sa pudeur, sa réserve.

Et là, stupéfiante surprise: Finkie, ulcéré par la «persécution» du pauvre Polanski, énonce, très posément, que «la plaignante» , à 13 ans, « n’était pas (…) une enfant ».

De sorte que l’aimable Polanski, contre qui se déchaîne une «fureur de la persécution» , «n’est pas» (du tout) «pédophile» [^3].

(Cliquer ici pour un complément d’édification.)

Nous sommes confrontés, là, tu l’auras compris, à la révélation que Tartuffe (pour rester poli) se porte à merveille, merci pour lui – puisqu’en l’espace de 48 heures, le même grand philosophe nous explique, un: que «certains enseignants» (dont les pulsions communisantes se devinent à l’attention qu’ils portent aux «exclus» ) ont un comportement qui est un véritable attentat à la «pudeur» des collégien(ne)s, quand par exemple ils tolèrent que ces «enfants» viennent avec «des portables dans les salles de classe» .

Mais, deux: que le cinéaste qui encule une collégienne de 13 ans n’atteint nullement la «pudeur» [^4] de sa victime, qui d’ailleurs n’en avait que fort peu, puisqu’elle «posait dénudée pour Vogue homme» – et qui d’ailleurs n’était pas (du tout) une «enfant» .

En somme, tout est vachement – et salement – relatif, dans la philosophie d’Alain Finkielkraut.

Si tu sors ton projet pédagogique devant une collégienne: tu abîmes l’enfance, au lieu de l’aider à rester pudique – et tu dois être dénoncé pour ce que tu es.

Mais si tu sors plutôt ta «relation sexuelle illégale» , comme on dit gentiment: tu mérites mieux qu’une (honteuse) «persécution» .

Fais-moi penser à te donner mon avis, la prochaine fois que des journaleux nous chanteront les beautés de la finkosophie.

[^2]: Où l’on aime à le traiter, en même temps qu’on fustige l’ «anticonformisme bien conforme» dont il est, dans l’époque, l’un des plus bruyants tambourineurs – mais il est vrai aussi que le ridicule ne tue pas.

[^3]: Et d’ailleurs: sa victime «posait dénudée pour Vogue homme» – de sorte qu’il est tout de même permis de se demander si cette petite salope n’aurait pas un peu cherché ce qui lui est arrivé?

[^4]: Et ne parlons pas de son aidos .

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