Copenhague ne rigole plus, il fait la queue

Patrick Piro  • 16 décembre 2009
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Une méchante convoitise occupait les Français oiseux ce mardi matin : tenter de voir Ségolène Royal, annoncée à Copenhague, poireauter des heures durant dans la file des accréditations au Bella center où se déroulent les négociations du sommet. Depuis hier, c’est Check Point Charly.

Mais non, elle va bien trouver un coupe-file, quand même ! Mais non.
Il paraît qu’il faut rang de Premier ministre, explique Yannick Jadot, eurodéputé Europe écologie. Or elle a raté la marche supérieure, il y a peu. Même Romano Prodi a attendu six heures ! Le député Vert Yves Cochet s’en est tiré « à la française », avec seulement trois heures à piétiner dans la froidure (il fait froid au Danemark), avant d’appeler ses potes de la délégation à l’intérieur, qui lui ont trouvé une porte dérobée. Vous en voulez encore ? Un délégué indien de l’Unesco, hébété : huit heures et demi. Allez, le record est détenu par Sébastien Godinot, des Amis de la Terre : neuf heures d’attente, et pas d’accréditation au bout — « désolé monsieur, on ferme, revenez demain » … À midi, on croise de malheureux membres d’ONG : ils ont attaqué la queue à 5h30 ! Et toujours pas accrédités non plus.

Illustration - Copenhague ne rigole plus, il fait la queue

Ou plutôt ré-accrédités. Car en seconde semaine du sommet climat, on ne rigole plus, on élimine. Le plus simple c’est de taper dans les rangs des ONG, on leur demande de repasser au guichet des sésames. Le taux d’éradication est d’environ 80 % ! Par exemple, le club des eurodéputés est tombé de 100 à 22 ! J’aurais bien voulu être dans le bureau des réclamations pour mesurer le son… Leur quota est un peu remonté aujourd’hui, ils ont droit à leurs assistants. Pour les ONG, qui doivent réorganiser complètement leur travail, c’est un vrai préjudice que de devoir laisser sur la touche une partie de leur personnel, un investissement qui passe à la trappe pour une mission dont les frais sont lourds (très chère, Copenhague).
Mais pourquoi, au fait ? Trop de foutoir, de monde, de risque, alors que les ministres et surtout les chefs d’États commencent à arriver. La sécurité impose sa raison supérieure. Ça n’est pourtant jamais arrivé dans ce genre de sommet. Va-t-on se plaindre que le climat mobilise massivement à son chevet ?

Illustration - Copenhague ne rigole plus, il fait la queue

C’est en tout cas un moyen pratique d’être entre soi dans la dernière ligne droite cruciale. Et comme disait un militant aguerri, rien de plus efficace que de confier à la police le soin d’appliquer des consignes politiques. Là, c’est clair : les poils à gratter, dehors. Pas commodes, les ONG, pour les petits arrangements entre caïds du climat si tout fuite au dehors dans la demi-heure.

Illustration - Copenhague ne rigole plus, il fait la queue

Alors certains s’émeuvent de cet émoi, arguant qu’il faut un peu d’efficacité pour une affaire aussi sérieuse que le climat. Mais pourquoi cet arbitraire, alors que les accréditations avaient été délivrées ? Est-ce que l’on est allé tirer les oreilles à la délégation gouvernementale brésilienne, qui a déplacé 731 membres à Copenhague ? Qui a décidé que le sommet appartenait en priorité à la sphère gouvernementale ?
Les médias aussi sont dans le collimateur. On parle de possibles restrictions, et en tout cas de confiner les journalistes dans le « media center ». Ils sont mignons tout plein, les grands chefs des négociations : dans le même temps, ils rappellent combien il est utile que la société civile fasse pression pour qu’un bon accord sorte de Copenhague…

Les choses sérieuses, prévue depuis longtemps pour aujourd’hui, sont donc parties pour être encore plus sérieuses. Les radicaux prévoient de s’inviter au Bella center, sans faire la queue, et par tous les moyens à leur disposition. La police a d’ores et déjà préventivement coffré le porte-parole des autonomes du Climate justice action, un truc du genre « menace à l’ordre public ». Une quarantaine de militants ont été coincés au Klimaforum aussi. On redoute même une rafle générale dans la journée du 16.
Et on n’a pas vu Ségolène. Qui sait, elle est Première ministre. On n’a pas le temps d’éplucher toutes les infos, en ce moment.

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