Martine Aubry, les retraites, le MoDem et la présidentielle

Michel Soudais  • 20 janvier 2010
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Martine Aubry.

Dimanche, Martine Aubry n’a pas seulement renoncé à défendre l’âge légal du départ à la retraite pour la plus grande satisfaction du Figaro , suscitant les critiques les plus vives de la gauche de gauche. Au cours du même « Grand jury RTL-Le Figaro-LCI », la patronne du PS a aussi confirmé (et de quelle manière !) que le MoDem de François Bayrou était à ses yeux un « partenaire » , au même titre que les Verts.

En réponse à une question sur le ralliement, la veille, de militants du MoDem de Charente-Maritime à la liste conduite par Ségolène Royal, dès le premier tour, la première secrétaire du Parti socialiste a en effet levé le voile sur les relations qu’elle entretient désormais avec ce parti de centre-droit.

La numéro un du PS a d’abord refusé de condamner cette alliance, avec cet argument parfaitement jésuitique : « Si au niveau régional, en Poitou-Charentes, Ségolène Royal avait passé un accord avec le MoDem de François Bayrou avec l’accord de ce dernier, cela me poserait un problème car ce n’est pas notre décision. Mais, il s’agit là d’individus, pour des histoires personnelles et je n’ai pas à apprécier cette situation locale. Ce n’est pas un accord entre le PS et le MoDem de François Bayrou. » Circulez, il n’y a rien à voir !
Au cours du point de presse hebdomadaire du PS, lundi, Benoît Hamon a repris ce raisonnement pour déclarer que « la main tendue de Ségolène Royal » n’était « pas contraire à la position du parti » [^2] C’est pourtant bien le président du MoDem de Charente-Maritime, Alexis Blanc qui a été l’artisan de ce rapprochement et figurera sur la liste conduite par Ségolène Royal, dont il déclare être satisfait du bilan à la tête de la région et dont les propositions, selon lui, ne diffèrent pas de celles défendues par son parti. C’est ainsi qu’il affirme dans Le Monde souhaiter « encourager les investissements public-privé ». On ne savait pas que c’était une proposition pouvant relever d’un programme socialiste, ou même seulement de gauche!

Scoop: François Bayrou est un «partenaire» du PS

Mais Martine Aubry a ensuite fait la leçon à sa rivale du congrès de Reims avec un argument aussi surprenant que révélateur de ses intentions envers le MoDem : on ne débauche pas dans les partis amis, il faut respecter leurs choix. « Je pense que quand on a de grandes choses à faire ensemble pour l’avenir et notamment pour 2012 (sic) *, il faut respecter les choix de ses partenaires* (re-sic) » , a-t-elle déclaré en précisant qu’il fallait donc « respecter le choix des Verts qui veulent des listes au premier tour, respecter les choix de M. Bayrou qui a décidé de déposer des listes » . Vous avez bien lu ?
François Bayrou est, pour Martine Aubry, un « partenaire » ! Ceux qui, au sein du PS, pensaient que la coalition constituée à Reims autour de la maire de Lille protégerait le parti d’Epinay d’une alliance avec le centre-droit feraient bien d’ouvrir les yeux. Celle qu’ils ont choisie pour les diriger les conduit à grands pas là où ils ne voulaient pas aller.
Le 26 novembre, sur France 2, la Première secrétaire du PS avait déjà fait un appel du pied à Marielle de Sarnez, déclarant à la vice-présidente du MoDem: « Il faut que nous travaillions ensemble » . Là elle va plus loin encore en précisant qu’il ne faut pas hypothéquer une alliance en bonne et due forme par de médiocres débauchages : « Ce que nous avons à construire est beaucoup plus important que des petits coups qu’on pourrait faire à très court terme. »

Car Martine Aubry, désormais, ne cache plus penser elle aussi à l’Elysée. Au cours de la même émission, elle a estimé avoir, comme d’autres, des capacités pour être à la hauteur de la fonction présidentielle. Même si, évidemment, elle affirme ne pas réfléchir pour l’instant à la possibilité d’être candidate en 2012[^3]. Ce qui ne l’empêche pas de préparer dès maintenant cet avenir en ménageant le MoDem et en se ralliant au discours libéral dominant sur l’âge de la retraite.

Ceux qui pensaient changer la gauche avec elle, avaient juste oublié de préciser le sens de ce changement.

Changer la gauche, oui. Encore faut-il s'entendre sur l'orientation de ce changement.


[^2]: « Concernant les cinq candidats du MoDem qui ont accepté la main tendue de Ségolène Royal , a déclaré Benoît Hamon, si au niveau régional, en Poitou-Charentes, Ségolène Royal avait passé un accord avec le MoDem de François Bayrou, avec l’accord de François Bayrou, cela poserait un problème, or, il s’agit là d’individus. Le Parti socialiste n’a pas à apprécier cette situation locale, ce n’est pas un accord entre le PS et le MoDem de François Bayrou, ce n’est donc pas contraire à la position du parti. »

[^3]: « Pour moi, être à la hauteur, c’est pas seulement de se dire « est-ce-que je peux diriger l’Etat » – disons que je pense que j’en ai les capacités comme d’autres –, c’est de me dire « je suis à la tête d’un parti qui a la grande responsabilité de porter un nouvel espoir et un nouveau système ». (…) J’ai été numéro deux du gouvernement, derrière Lionel Jospin et sous son autorité, avec Dominique Strauss-Kahn qui a été un formidable ministre de l’Economie et des Finances et qui, lui aussi, est quelqu’un qui peut tout à fait diriger notre pays, je le dis très simplement. J’ai rempli des fonctions importantes, j’ai travaillé dans une entreprise, je dirige une ville (…) Cela en soit ne suffit pas. Il faut qu’à un moment donné, on soit l’homme ou la femme de la situation qui permettra de mobiliser le maximum de Français, c’est pour cela qu’on fait d’ailleurs les primaires pour pouvoir ensemble changer notre pays. (…) D’abord on joue collectif, après on choisit le capitaine mais on n’en est pas là. »

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