Emplois fictifs : Chirac n’a reconnu aucune faute

Michel Soudais  • 30 septembre 2010
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Les conseillers de Paris devaient-ils accepter renoncer à ce que la Ville se porte partie civile dans le procès des emplois fictifs impliquant Jacques Chirac en échange d’un remboursement par celui-ci et l’UMP d’une somme de 2.218.072,46 euros?
La question était en débat depuis un mois. Elle troublait les socialistes. Elle a divisé le groupe des élus communistes et Parti de gauche. Le vote a eu lieu lundi. On en connaît le résultat: 161 des 163 conseillers de Paris ont pris part au vote; 147 élus (PS et apparentés radicaux ou chevénementistes, PC et UMP) ont approuvé le marché, 13 (les 9 élus Verts, les 2 élus du PG, 1 MoDem et 1 « non inscrit ») ont voté contre et un élu (Michel Charzat) s’est abstenu.
La question demeure néanmoins. Car tous les arguments avancés par Bertrand Delanoë et ses amis pour justifier de renoncer à figurer sur le banc des victimes sont loin d’être probants.
– L’argument financier: «La somme de 2,2 millions d’euros correspond strictement au montant inscrit dans l’ordonnance de renvoi du juge» , a insisté M. Delanoë devant l’hémicycle. «Si on enlève les intérêts et les frais d’avocat, il reste en réalité un peu moins d’un million et demi d’euros pour les seuls salaires» des 21 emplois fictifs incriminés, a fort justement répliqué le Vert Yves Contassot.
– L’argument « égalitaire »: la loi est ainsi faite et c’est la même pour tout le monde (je résume); dès lors que le fautif rembourse ou indemnise sa victime, il n’y a pas lieu de penser que l’ancien Président de la République aurait droit à un traitement de faveur. Evidemment, on pourrait trouver bien des exemples contraires où les procureurs ne se satisfont pas de la restitution du scooter volé et continuent à poursuivre leur voleur (j’ai entendu un cas de ce genre la semaine dernière à la radio, sans le noter malheureusement). Or s’agissant de Jacques Chirac, on le sait, le procureur a déjà tranché pour un non-lieu.
– L’argument de l’aveu: en acceptant de rembourser, Chirac reconnaît sa faute; pourquoi s’acharner sur un homme âgé? Le raisonnement, frappé au coin du bons sens, est sans doute le plus à même de convaincre une opinion réticente. Raison pour laquelle les socialistes l’ont martelé. « On a quelqu’un qui reconnaît la faute » , assurait ainsi Anne Hidalgo, mardi matin, au micro de France Inter (voir vidéo à 1’01). La première adjointe au maire ajoutait encore (1’51) : « Je ne crois pas que quelqu’un qui acepte de payer 2.200.000 euros le fait pour des faits qui ne seraient pas reconnus. A parti du moment où un prévenu accepte de rembourser ou de payer sa dette la loi française permet non pas des arrangements mais des accords d’indemnisation. Nous sommes dans ce cadre-là. »


Anne Hidalgo, invitée d’Audrey Pulvar (28/09/10)
envoyé par AnneHidalgo. – L’info video en direct.

Cet « élément de langage », comme on dirait à l’Elysée, avait été avancé la veille par Benoît Hamon, porte-parole du PS, lors de son point de presse hebdomadaire: « Réparation a été obtenue au prix d’un aveu de l’UMP qu’il y a eu emplois fictifs » , s’était-il félicité.

Le hic, car il y en a un, c’est que ni Jacques Chirac, ni l’UMP n’ont reconnu les faits qui leur étaient reprochés dans le protocole d’indemnisation, adopté par le Conseil de Paris et qui éteint les poursuites de la Ville. Au contraire, comme l’a bien noté Alexis Corbière, élu du Parti de gauche dans le XIIe arrondissement, lors de son intervention. Dans ce document, que vous pourrez lire en intégralité ci-dessous, on lit ceci (page 3):
«Bien qu’il conteste avoir commis quelque infraction que ce soit (sic) et qu’il maintienne que les emplois litigieux étaient légitimes et utiles à la Ville de Paris et aux parisiens (re-sic), M. Jacques Chirac, dans le souci
d’apaiser une source de polémique préjudiciable à Paris et à ses habitants quels que soient leurs opinions politiques, et l’UMP (venant aux droits et obligations du RPR), en sa qualité de civilement responsable, ont décidé de rembourser purement et simplement à la Ville de Paris les montants litigieux qu’elle a manifesté l’intention de recouvrer judiciairement.»

Le texte complet du protocole d’indemnisation

Vous avez bien lu , Jacques Chirac «conteste avoir commis quelque infraction que ce soit» et c’est uniquement «dans le souci d’apaiser une source de polémique préjudiciable» que lui et l’UMP acceptent de cracher au bassinet. Voilà le texte qu’ont approuvé, lundi, 147 élus de Paris. L’avaient-ils seulement lu?


PS: Je rappelle au twittonautes qu’il est désormais possible de me suivre sur Twitter, pseudo msoudais.

Temps de lecture : 4 minutes
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