Les conseils généraux, bastions du machisme

Michel Soudais  • 8 mars 2011
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Adam et Eve. Détail d'un vitrail de la cathédrale du Mans.

C’est la dernière blague en vogue en cette journée internationale des femmes :
«Savez-vous quel est, en politique, le féminin de candidat ?
Suppléante.»
Chacun peut vérifier en effet sur les panneaux électoraux de la campagne des cantonales, officiellement ouverte depuis lundi, combien la gent masculine occupe les affiches. Les candidates ne sont pas légion.

Dans les assemblées politiques élues de notre pays, les conseils généraux restent le dernier bastion du machisme. La loi du 6 juin 2000 sur la parité a amorcé une féminisation politique timide. A l’Assemblée nationale, 112 des 577 députés sont des femmes, soit 19 %. Avec 22 % de femmes sur 343 sénateurs, le Sénat fait un peu mieux. Dans les conseils régionaux, élus au scrutin de liste, la parité est respectée ; mais on ne compte toutefois que deux présidentes de région sur vingt-deux (Poitou-Charentes et Franche-Comté). La situation est assez semblable dans les conseils municipaux des villes de plus 3 500 habitants, encore une fois grâce au scrutin de liste qui fait obligation de présenter des listes paritaires. Pour l’élection des conseils généraux, où le vieux scrutin uninominal est la règle, les partis n’ont aucune obligation de présenter des femmes et de nombreux élus ne revendiquent aucune appartenance partisane, le résultat est affligeant : sur les 4 025 élus des assemblées départementales, 519 (14,8 %) seulement sont des femmes [^2]. Et les femmes ne président que 6 sur 101 conseils généraux.

Trois conseils généraux sont encore exclusivement masculins:
– Ariège (président: Augustin Bonrepaux, PS), 22 élus.
– Haute-Corse (président: Joseph Castelli, DVG), 29 élus.
– Tarn-et-Garonne (président: Jean-Michel Baylet, PRG), 30 élus.

Sept conseils généraux ne comptent qu’une femme sur leurs bancs:
– Corse-du-Sud (président: Jean-Jacques Panunzi, UMP)
– Gers (président: Philippe Martin, PS)
– Orne (président: Alain Lamber, UMP)
– Haut-Rhin (président: Charles Buttner, UMP)
– Haute-Savoie (président: Christian Monteil, DVD)
– Deux-Sèvres (président: Eric Gautier, PS)
– Mayotte (président: Ahmed Attoumani Douchina)

Pour remédier à cette tendance lourde, la loi du 26 février 2008 instituant un(e) suppléant(e) de sexe opposé aux candidat(e)s aux élections cantonales, était censée renforcer la parité au sein des conseils généraux . Censée parce qu’aux cantonales de mars 2008, 79,12% des candidats étaient encore des hommes. Ils étaient 78,47% en 2004 et 79,87% en 2001. Pour l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes (OPFH), «le dispositif a visiblement conduit à reléguer les femmes aux fonctions de suppléantes» .
Un constat qui semble bien se confirmer cette année encore. En l’absence de statistiques disponibles, notons par exemple que, dans les Alpes-Maritimes, l’UMP, toute puissante dans ce département, ne présente que 3 femmes sur 26 candidats. Dans l’Essonne, 4 des 21 candidats de la majorité présidentielle sont des femmes, ce qui a valu cette explication machiste du président du groupe UMP au conseil général, Jean-Pierre Delaunay : « Jusqu’à 65 ans, les femmes travaillent, s’occupent de leurs enfants… Elles ne peuvent pas se dégager de leurs obligations. Mais nous avons rétabli la parité avec les suppléantes. » Des suppléantes que François Frontera, candidat à Monthléry, qualifie de… « simples potiches » .

La réforme territoriale applicable en 2014 ne va rien arranger puisqu’avec la création de conseillers territoriaux[^3] élus pour 80% d’entre eux selon un scrutin uninominal majoritaire à un tour (à l’échelon du canton)[^4] le gouvernement a pris de risque d’une régression importante en matière de représentation paritaire des femmes et des hommes. Pour trois raisons, pointés par l’OPFH:
– Le mode d’élection retenu pour les conseillers territoriaux diminue la proportion de candidats aux élections territoriales soumis à la contrainte paritaire.
– Il cesse de garantir un égal accès entre les femmes et les hommes aux mandats régionaux.
– Enfin, puisque la loi de janvier 2007 garantit la parité dans les exécutifs régionaux, il défavorise les hommes vis à vis des femmes. Elus à plus de 80% dans les assemblées régionales et départementales, ils n’auraient accès qu’à 50% des fonctions exécutives.

Pensez-y les 20 et 27 mars, pour ceux qui habitent dans un canton renouvelable, en allant voter.


[^2]: Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur que l’on trouve à la fin du dossier de presse des élections des 20 et 27 mars. On y trouve un intéressant tableau sur la répartition par sexe de chaque assemblée.

[^3]: Qui cumuleront les fonctions de conseillers régionaux et généraux.

[^4]: Les 20% de sièges restants seront attribués selon une répartition proportionnelle en fonction des suffrages obtenus par les candidats affiliés à des listes et non élus directement au scrutin majoritaire uninominal.

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