Les « fauteurs de troubles » dans le collimateur

Christine Tréguier  • 15 septembre 2011
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L’Europe n’a pas abandonné l’idée de constituer un fichier des « fauteurs de troubles » ( troublemakers ) et des « contrevenants violents » ( violent offenders ) qui se déplacent à l’intérieur de l’Union. La question n’est pas nouvelle, explique Tony Bunyan dans une synthèse réalisée pour l’ONG Statewatch. Elle a été posée en 2001 après les sommets de Göteborg et de Gènes. Ses partisans avaient alors tenté de pousser leur avantage en profitant des attentats du 11 Septembre et en amalgamant islamistes, nationalistes et activistes anarchistes, gauchistes, altermondialistes ou écolos.Les États membres avaient finalement jugé suffisant de permettre des échanges d’informations bilatéraux en amont des sommets internationaux. Le sujet est revenu sur la table en 2007, après le sommet de Heiligendamm en Allemagne, et la proposition d’inscrire les fauteurs de troubles violents dans le Système d’information Schengen (SIS, qui sert au contrôle des frontières de l’espace Schengen), rejetée en 2009 au motif qu’il n’y avait aucune définition légale de cette notion. Certains participants ont fait valoir que « ce ne serait pas proportionnel à l’objectif qui est normalement la sécurisation de certains événements limités dans le temps et l’espace » , et que «   le droit à la libre circulation et à la protection des données appelaient au contraire à une gestion très prudente de ce genre d’informations   » . Néanmoins la Suède, qui assurait alors la présidence du Conseil de l’Europe, a fait inscrire dans le Programme de Stockholm «  l’échange d’informations sur les contrevenants violents en déplacement, y compris ceux se rendant à des manifestations sportives ou des événements publics importants   » .

Le projet est d’autant plus inquiétant que, souligne Tony Bunyan, les discussions ne se limitent pas aux « contrevenants » (condamnés pour une atteinte à l’ordre public) mais s’étendent aux « suspects » et aux « fauteurs de troubles potentiels ». Et certains « suspects » ont pu s’apercevoir qu’ils étaient bel et bien fichés. C’est le cas de Cécile Lecomte, surnommée « l’écureuille », militante écologiste férue d’escalade. Comme elle le raconte dans un entretien publié dans la revue Article 11 , en novembre 2008, alors qu’elle allait participer au blocage d’un convoi de déchets nucléaires, elle a eu droit à une arrestation préventive et quatre jours de détention. Elle figurait dans de nombreux fichiers, dont le SIS et le fichier Europol.

Ce fichage pas vraiment légal devrait le devenir. La Commission a lancé une étude pour aboutir à « trois définitions au moins » des fauteurs de troubles violents. Statewatch révèle également trois projets de fichiers de coopération policière en cours : Ecris (European Criminal Records Information System), pour croiser les bases de données de décisions judiciaires (criminelles mais aussi administratives et civiles), Epris (The European Police Records Index System), pour interroger tous les fichiers de police, et l’IXP (Information Exchange Platform), un site permettant aux forces de maintien de l’ordre d’avoir accès aux ressources et fichiers supranationaux… comme le SIS, Europol, Eurodac, etc.Des projets qui sonnent comme un avertissement à tous les anticapitalistes et tous les indignés qui pourraient rêver de se donner la main.

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