Hadopi : le changement, c’est plus tard

Christine Tréguier  • 31 mai 2012
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Qui a dit : il faut « mettre un terme au plus vite au conflit entre créateurs et internautes en abrogeant le dispositif Hadopi et en le remplaçant par un nouveau mécanisme » ? François Hollande sur son blog de campagne. Mais c’était en début de campagne, et le candidat a depuis entretenu le flou, évoquant la possibilité de « dépénaliser le téléchargement, mais le légaliser non », parlant d’ « une autre législation », pour finalement intégrer la révision de l’Hadopi dans une réflexion sur un Acte II de l’exception culturelle incluant d’autres sujets comme la copie privée et la responsabilité des intermédiaires techniques. Avec promesse d’engager la réflexion avant l’été.

Le gouvernement installé, les travaux peuvent donc commencer. Mais le doute subsiste. La première annonce de Fleur Pellerin, ministre chargée de l’Économie numérique, a été aussitôt corrigée par Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, qui semble bien décidée à garder le contrôle de ce dossier. Celle-ci s’est battue en 2009 sur les bancs de l’Assemblée, avec Jean-Marc Ayrault, contre la riposte graduée et la création de l’Hadopi. À l’époque leurs propos étaient sans équivoque. « On ne peut pas, en matière de financement de la création ou de respect des droits d’auteur, répondre par une ligne Maginot qui n’apportera aucune protection ! », disait celui qui est devenu Premier ministre, appelant de ses vœux l’instauration d’une contribution créative. Aurélie Filippetti dénonçait un texte qui « se contente d’apporter des réponses partielles et inadaptées. Partielles, car il tente maladroitement de contenir une technologie déjà dépassée, le peer to peer… Inadaptées, car il méconnaît totalement les contingences liées au développement d’un réseau ouvert comme l’est Internet » et qualifiait alors l’Hadopi d’ « usine à gaz ».

Interrogée sur le devenir de l’Hadopi, la désormais ministre a déclaré la semaine dernière sur France Inter : « Le système de sanction […] s’est révélé inefficace et négatif du point de vue du message qu’on veut faire passer » et a évoqué un nouveau système qui « permettra à la fois de contribuer au développement de l’offre légale, de lutter contre la contrefaçon commerciale, et aussi de trouver des nouvelles sources de financement ». Mais les opposants à l’Hadopi sont sceptiques et s’inquiètent de certaines nominations. Tout d’abord celle de Pierre Lescure, ex-patron de Canal +, chargé de piloter la mission de concertation qui devrait durer au moins six mois. Proche des milieux du cinéma et de François Hollande, il se présente déjà comme celui qui l’a convaincu de différer l’abrogation de la Haute Autorité. Le site PC Inpact souligne qu’il siège au conseil d’administration du groupe Kudelski, spécialisé dans la gestion des droits numériques.

Autres nominations, celle de David Kessler (directeur général des Inrocks, ancien du cabinet Jospin et plutôt opposé lui aussi à l’abrogation) comme conseiller à la Culture de Hollande, celle de Sylvie Hubac (présidente du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique et pro-Hadopi) comme directrice de cabinet de François Hollande. Ou encore celle du possible directeur adjoint du cabinet Filippetti, Gilles Le Blanc, coauteur avec Olivier Bomsel (membre de la mission Olivennes qui a mis en route l’Hadopi) de Modem le maudit : enjeux économiques de la distribution des contenus (Presses de l’École des mines, 2006). Leurs voix pèseront lourd au moment des arbitrages, et la réforme de l’Hadopi pourrait bien faire pschitt.

Quand Jean-Marc Ayrault et Aurélie Filippetti s’opposaient à Hadopi, [www.pcinpact.com/news/71091-hadopi-jeanmarc-ayrault-aurelie-filippetti.htm](Qui a dit : il faut « mettre un terme au plus vite au conflit entre créateurs et internautes en abrogeant le dispositif Hadopi et en le remplaçant par un nouveau mécanisme » ? François Hollande sur son blog de campagne. Mais c’était en début de campagne, et le candidat a depuis entretenu le flou, évoquant la possibilité de « dépénaliser le téléchargement, mais le légaliser non », parlant d’« une autre législation », pour finalement intégrer la révision de l’Hadopi dans une réflexion sur un Acte II de l’exception culturelle incluant d’autres sujets comme la copie privée et la responsabilité des intermédiaires techniques. Avec promesse d’engager la réflexion avant l’été. Le gouvernement installé, les travaux peuvent donc commencer. Mais le doute subsiste. La première annonce de Fleur Pellerin, ministre chargée de l’Économie numérique, a été aussitôt corrigée par Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, qui semble bien décidée à garder le contrôle de ce dossier. Celle-ci s’est battue en 2009 sur les bancs de l’Assemblée, avec Jean-Marc Ayrault, contre la riposte graduée et la création de l’Hadopi. À l’époque leurs propos étaient sans équivoque. « On ne peut pas, en matière de financement de la création ou de respect des droits d’auteur, répondre par une ligne Maginot qui n’apportera aucune protection ! », disait celui qui est devenu Premier ministre, appelant de ses vœux l’instauration d’une contribution créative. Aurélie Filippetti dénonçait un texte qui « se contente d’apporter des réponses partielles et inadaptées. Partielles, car il tente maladroitement de contenir une technologie déjà dépassée, le peer to peer… Inadaptées, car il méconnaît totalement les contingences liées au développement d’un réseau ouvert comme l’est Internet » et qualifiait alors l’Hadopi d’« usine à gaz ». Interrogée sur le devenir de l’Hadopi, la désormais ministre a déclaré la semaine dernière sur France Inter : « Le système de sanction […) s’est révélé inefficace et négatif du point de vue du message qu’on veut faire passer » et a évoqué un nouveau système qui « permettra à la fois de contribuer au développement de l’offre légale, de lutter contre la contrefaçon commerciale, et aussi de trouver des nouvelles sources de financement ». Mais les opposants à l’Hadopi sont sceptiques et s’inquiètent de certaines nominations. Tout d’abord celle de Pierre Lescure, ex-patron de Canal +, chargé de piloter la mission de concertation qui devrait durer au moins six mois. Proche des milieux du cinéma et de François Hollande, il se présente déjà comme celui qui l’a convaincu de différer l’abrogation de la Haute Autorité. Le site PC Inpact souligne qu’il siège au conseil d’administration du groupe Kudelski, spécialisé dans la gestion des droits numériques. Autres nominations, celle de David Kessler (directeur général des Inrocks, ancien du cabinet Jospin et plutôt opposé lui aussi à l’abrogation) comme conseiller à la Culture de Hollande, celle de Sylvie Hubac (présidente du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique et pro-Hadopi) comme directrice de cabinet de François Hollande. Ou encore celle du possible directeur adjoint du cabinet Filippetti, Gilles Le Blanc, coauteur avec Olivier Bomsel (membre de la mission Olivennes qui a mis en route l’Hadopi) de Modem le maudit : enjeux économiques de la distribution des contenus (Presses de l’École des mines, 2006). Leurs voix pèseront lourd au moment des arbitrages, et la réforme de l’Hadopi pourrait bien faire pschitt.

[^2]]

[^2]: Quand Jean-Marc Ayrault et Aurélie Filippetti s’opposaient à Hadopi, www.pcinpact.com/news/71091-hadopi-jeanmarc-ayrault-aurelie-filippetti.htm

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