Aux Niches, Les Riches (Et Les Grec(que)s Au Pain Sec)

Sébastien Fontenelle  • 1 juin 2012
Partager :

Illustration - Aux Niches, Les Riches (Et Les Grec(que)s Au Pain Sec)

1. Comme prévu[^2]: le patron de l’hebdomadaire Le Point , Franz-Olivier Giesbert, se porte, dans son éditorial de la semaine (publié en page 12), au secours de la pauvre «madame Lagarde» , après que cette digne femme s’est vu reprocher par des bien-pensant(e)s[^3] d’avoir été un peu vive, dans sa fustigation des Grec(que)s – dont le hobby serait selon elle de se soustraire à l’impôt.

Dans cette dernière matière: Christine Lagarde (qui fut[^4] de la coterie gouvernementale où l’on reversa durant le dernier quinquennat plusieurs dizaines de millions d’euros à l’excellente madame Bettencourt, nonobstant qu’elle avait soustrait à la curiosité du fisc de conséquents avoirs) peut à bon droit se prévaloir d’être une authentique experte.

Puisqu’en effet: elle même (lis-je, ébahi, dans le Politis de la semaine) bénéficie, en tant que big boss e du FMI, de deux dispositions d’une convention internationale qui l’exemptent «de tous impôts et taxes, personnels ou réels, nationaux, régionaux ou communaux» – et la laissent donc libre de profiter pleinement de la vie, et de ses 380.939 euros de salaire annuel[^5].

Mais Franz-Olivier Giesbert passe sous silence[^6] ce menu privilège, pour feuler plutôt: «Merci, madame Lagarde!»

(Sentîtes-vous bien ma langue, madame Lagarde – ou ferai-je un autre passage?)

Car, explique-t-il: madame Lagarde a eu le courage d’oser dire un peu nettement (dans une époque dominée par la veulerie politiquement correcte) que «les Grecs» , ces pauvres enculés, «travaillent dur à ne pas payer d’impôts dans un système économique où règnent le clientélisme et la kleptocratie» [^7].

2. Certaines fois, cependant: Franz-Olivier Giesbsert se montre moins râpeux que dans ses admonestations aux Héllènes.

La semaine dernière, par exemple, il a fait publier dans Le Point , aux pages 100 à 126, un dru mais poli dossier «spécial placements» , plein de pubs citoyennes à la gloire de la défiscalisation.

Et que trouvait-on là?

On y trouvait (dits dans l’inimitable style où se reconnaît à coup sûr le spiritualisme des business schools ) tout plein d’astucieux conseils pour «faire» un gros «plein» d’ «avantages» fiscaux, avant que François Hollande, l’odieux bolchevik, n’accable les classes aisées de ses «réformes qui se traduiront immanquablement par des hausses d’impôts» .

On y trouvait, par exemple: une exhortation à profiter (avant que le nouveau gouvernement» n’ «applique» à certains «investissements» bien pensés un «nouveau plafond» ) des «dernières niches fiscales» , qui «permettent d’économiser jusqu’à 18.000 euros plus 4% de votre revenu imposable» – non, pas toi, con(ne) de smicard(e), tu vois pas que c’est pas à toi que je m’adresse?

Ou: une incitation à attendre que François Hollande réduise «l’impôt sur les plues-values immobilières» , avant de «vendre une résidence secondaire ou un investissement locatif» .

Ou encore – mon préféré – cette objurgation: «Distribuez-vous immédiatement vos dividendes!»

(Avant que l’ogre étatique n’y prenne ses «prélèvements sociaux» !)

4. En résumé, Franz-Olivier Giesbert a donc vivement encouragé les riches à se soustraire à l’impôt: ce n’est qu’après s’être acquitté de cette digne et noble mission journalistique, qu’il a vertement tancé les Grec(que)s – au motif qu’ils ne payent pas suffisamment d’impôts.

Nous prendrait-il pour des sot(te)s, que je n’en serais pas autrement étonné.

[^2]: Ou comme pouvait du moins le prévoir quinconque sait un peu ce que sont les manies du personnage, telles qu’il les exhibe un peu partout dans la presse et les médias depuis plus d’ans que nous n’en saurions compter sur un boulier noiche.

[^3]: Qui sont décidément la lie de l’humanité.

[^4]: Au ministère, qui plus est, de l’Économie et des Finances…

[^5]: Viens me dire après ça que le monde n’est pas un endroit complètement délicieux?

[^6]: Par l’effet, probablement, de sa pudeur naturelle.

[^7]: C’est pas chez nous qu’on verrait ça, hein?

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don