Santé, dépendance et petite enfance : pas de crédit d’impôt pour les associations ?

Quel message veut faire passer le gouvernement ? Un amendement déposé par plusieurs députés permettait aux entreprises sociales, en particulier le secteur associatif, de bénéficier du crédit d’impôt de 20 milliards d’euros. Il a été vidé de sa substance le 4 décembre.

Thierry Brun  • 6 décembre 2012
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Quelle est la cohérence de ce choix ? , interroge le Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves), qui représente des associations, coopératives et mutuelles, ce que l’on appelle l’économie sociale et solidaire. Cette question est posée au gouvernement qui a vidé de sa substance un « sous amendement » qui permettait d’étendre aux entreprises sociales, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) de 20 milliards d’euros accordé, sans plafonnement, à toutes les entreprises lucratives, quel que soit leur taille.

Pierre Moscovici, ministre de l'Economie, s'est engagé à travailler, d’ici à la deuxième lecture de la loi de finances rectificative pour 2012, à un amendement couvrant l’ensemble du secteur médico-social et du secteur hospitalier. En l'état actuel, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) concerne les associations. Il est fixé à 20 000 euros : Selon Bercy, cette mesure coûtera plus 300 millions d'euros et concernera 40 000 associations.
Dans le sous amendement des quatre députés socialistes , Christian Eckert, rapporteur général du budget, Laurent Grandguillaume, Marc Goua et Régis Juanico, les associations non lucratives, non assujetties à l’impôt sur les sociétés, qui sont en concurrence directe avec les entreprises du privé lucratif, obtenaient un crédit de taxe sur les salaires fixé à 6 %, « donnant ainsi au secteur non lucratif un avantage identique, ni plus, ni moins, à celui offert aux entreprises redevables de l’impôt sur les sociétés » , indique le Mouves.

Le sous-amendement devait être adopté au soir du 4 décembre en commission des finances de l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2012, qui contient le CICE. Il a été remplacé par un autre dispositif : « En instaurant un plafonnement de abattement à hauteur de 20 000 euros, les députés ont choisi de faire bénéficier prioritairement la mesure aux associations de petite taille, en oubliant les grandes associations qui sont en concurrence frontale avec les grandes entreprises lucratives » .

Compétitivité oblige, une entreprise lucrative employant 2 000 salariés et gérant des maisons de retraites pourra économiser 2 millions d’euros, faire des bénéfices et distribuer des dividendes, quand dans le même temps une entreprise sociale, sous forme associative, exerçant le même métier, économisera 20 000 euros à nombre égal de salariés.
Le député socialiste Christian Eckert avait attiré l’attention du gouvernement sur le fait que les associations et le champ de l’économie sociale et solidaire étaient les grands oubliées du crédit d’impôt. Benoît Hamon, ministre délégué à l’Économie sociale et Solidaire, avait plaidé pour que ce CICE puisse également être ouvert au secteur associatif.

Le rapporteur général du budget avait pourtant tiré la sonnette d’alarme : les cliniques privées toucheraient leur crédit d’impôt tandis que l’Hôpital public ou associatif n’en bénéficierait pas. Avantagé, le secteur privé pourra accélérer la privatisation de l’assurance maladie. Christian Eckert a aussi constaté que le crédit d’impôt pourra aussi servir à « augmenter certaines rémunérations excessives ou des dividendes pas toujours décents » . Or, le secteur social non lucratif n’a pas d’actionnaire à rémunérer. C’est le cas dans le secteur de la santé (hôpitaux), de la dépendance (les maisons de retraite), de la petite enfance (les crèches), ainsi que des secteurs environnementaux innovants.

Où est donc la cohérence ? Le Medef se réjouit d’un cadeau de 20 milliards d’euros versé à des entreprises, sans contrepartie. « Quelle garantie a-t-on que les entreprises vont effectivement baisser leurs prix ou bien investir ? et non pas rémunérer encore mieux leurs actionnaires ? , a souligné la Fondation Copernic en réagissant au rapport Gallois. en fait, le gouvernement s’apprête à faire un chèque en blanc de 20 milliards d’euros au patronat. aucune conditionnalité n’est mise à cette mesure. il y aura tout juste, comme l’a déclaré le premier ministre, « un comité de
suivi » du pacte associant l’État et les partenaires sociaux pour
dresser à intervalles réguliers un constat partagé sur le bon
fonctionnement du dispositif »
.

Christian Eckert lui-même a remarqué que seuls 20 % des 20 milliards du crédit d’impôt iront à l’industrie. « C’est peu pour doper la compétitivité » a-t-il écrit. Quels sont les autres bénéficiaires du crédit d’impôt ? Des secteurs non soumis à la concurrence internationale. L’institut Rexecode, proche au Medef, a indiqué dans une note que le trio de tête des secteurs qui connaîtront la plus forte baisse du prix du travail sont les services aux particuliers, le commerce et la construction. Trois secteurs non délocalisables.

Nombre de services aux particuliers, entre autres, sont dans le champ de l’économie sociale et solidaire, justement celui qui s’éloigne des dérives du capitalisme financier… et qui sera balayé par les mesures de compétitivité du gouvernement. Où est la cohérence des socialistes ?

Photo : AFP / PIERRE-PHILIPPE MARCOU
Temps de lecture : 4 minutes
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