La confrérie des stylos rouges

Marie-Édith Alouf  • 4 mars 2013
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Voilà ce que c’est d’avouer ses marottes : aussitôt, les témoignages affluent de la part de ceux qui les partagent et sont heureux de se sentir confrères en la matière. Ainsi reçois-je de Guy, stylo rouge de compétition installé dans le Puy-de-Dôme, un long courrier qui commence très bien ( « Ah, que vous me plûtes ! Ah, que vous me satisfîtes ! » , m’écrit-il, flattant du même coup et mon ego et la syntaxe) et qui se poursuit  encore mieux puisqu’il m’adresse trois pages de ses trouvailles pêchées dans la littérature et les médias. Et de belles prises, hein !

Je vous fais une sélection de celles qu’il a rangées sous ce titre d’un sobre classicisme : « Phrases à la con ». Les commentaires sont également de Guy : 

– Dans le Roi des Halles , de Juliette Benzoni : « Enveloppée d’une couverture sentant fortement le poisson pour la protéger des embruns… » Quand ça schlingue la poiscaille, plus d’embruns ?

– Dans un texte de Christine Angot sur les violences faites aux femmes : « [Elle] m’avait proposé de faire partie de ces femmes qui diraient qu’elles avaient été violées dans un documentaire. » Ils ne se gênent plus, les documentaristes !

– Dans J’avoue que j’ai vécu , de Pablo Neruda : « Un visage interrogateur entrouvrit le portail… » Avec les dents ?

– Dans un journal télévisé de 2009 : « Après quatre jours sans manger, les plongeurs vont sans doute découvrir des spéléos affaiblis. » Et pourquoi ne mangent-ils pas, ces plongeurs ? Ils sont anorexiques ? 

À la rubrique « Maux à mots », Guy me prend à témoin d’autres allègres échappées verbales. Ainsi, dans un épisode de Nestor Burma , il relève « des traces de griffes provoquées par un instrument contondant », dans la VF de Verdict, de Sydney Lumet, une « subordination de témoin », et dans un documentaire animalier d’Arte, un calamar « de taille respectueuse » . Mais la palme revient sans doute aux Germains , documentaire diffusé sur Arte : « Armenius et moi entrèrent et l’enjoignit de… » (trois fautes en sept mots, c’est vrai que c’est très fort), suivi un peu plus loin de : « Ces retrouvailles nous rempliment de joie. » Et nous donc ! 

Guy m’assure qu’il en a un plein dossier comme ça, je veux bien le croire ! Et me voilà toute alléchée. Encore, encore, chers amis de la confrérie des stylos rouges !

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