Des femmes sous la torgnole

Physique, éprouvant. Exposée à Visa pour l’image, à Perpignan, Sara Lewkowicz signe un reportage sur la violence domestique. Qui ne laisse pas d’interroger.

Jean-Claude Renard  • 10 septembre 2013
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Le long de dix-huit années de reportage, de « suivi » sur son sujet, présenté parmi la vingtaine d’expositions à Visa pour l’image, à Perpignan, le travail de Darcy Padilla s’articule autour de l’existence d’une femme, entre amour et désamour, filiation, maladie, toxicomanie, abandon et retrouvailles. Jusqu’à la mort, et la tentative d’un père de renouer avec la vie. Au moins pour sa fille. Sans pathos, sans rajout, Darcy Padilla dresse le portrait d’une confrontation entre la vie et la mort. Apre. Sans détour. Violente. En noir et blanc.

Parce qu'elle refuse de l'écouter, Elyssa se fait gronder par Jason, sous le regard affaibli de Julie. Afin de dépenser moins, Julie et Jason avaient déménagé dans un endroit reculé, sans eau courante ni électricité à environ 30 km de la ville la plus proche. Alaska, 2010 - Darcy Padilla

C’est une autre relation que livre Sara Lewkowicz. En couleur. Mais dans l’effroi. La relation de Shane et Maggie. Le premier, taulard assidu, gavé de démons et d’addictions. La seconde subissant. Les mots, puis les coups. Photographiés, ce sont d’abord des rapports conflictuels avec le premier rejeton de Shane, qui s’effritent avec elle sous le poids de la précarité financière, l’absence de boulot. La colère succédant à la tendresse, précédant les coups, drus, dans l’enchevêtrement des traumatismes. Aux confins des torgnoles, Maggie a refait sa vie ailleurs – en Alaska, auprès du père de ses enfants, militaire, engagé dans le conflit afghan. Shane est peut-être bien retourné en prison depuis. Qui sait ?

Shane continue de crier après Maggie alors que Menphis se faufile entre eux. La petite fille s'est arrêtée de p leurer et essaye de réconforter sa mère en larmes. - Sara Lewkowicz

Ainsi témoin de bout en bout d’une relation, Sara Lewkowicz aborde la violence domestique, dit-elle, « comme un processus qui consiste à manipuler et à détruire peu à peu la victime, et non comme un acte isolé » . Le propos est louable, assurément. Ses images sont au plus près des corps. Au plus près de la dérouille. Reste une question : que fait-elle quand pleuvent les beignes, tombent les coups ? Darcy Padilla prenait une distance avec le sujet qu’on ne voit pas ici. Que fait-elle quand elle assiste à l’arrivée d’une brigade de policiers ? Où se place l’objectif ? A quoi sert-il ? Le témoignage peut-il se contenter de la seule intervention de l’objectif ?, d’un cadre resserré ? A quel prix ? Le reportage n’y répond pas.

{Sara Lewkowicz}, Visa pour l’image (au Couvent Sainte Claire), Perpignan, jusqu’au 15 septembre (20 septembre pour les groupes scolaires).
Temps de lecture : 2 minutes
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