Voyages au Congo

De Phil Moore à Pascal Maitre, exposés à Visa pour l’image, à Perpignan : deux reportages, deux visages de la République démocratique du Congo, pas forcément opposés.

Jean-Claude Renard  • 11 septembre 2013
Partager :
Voyages au Congo
{{Phil Moore, Pascal Maitre,}} Visa pour l’image (au Couvent des Minimes), jusqu’au 15 septembre (20 septembre pour les groupes scolaires). Entrée libre.

En avril 2012, un groupe d’anciens rebelles, réintégrés dans l’armée régulière congolaise, se mutinait de nouveau pour mener l’insurrection sur le front est de la République démocratique du Congo, sous le nom de M23. Depuis, la région est devenue une zone d’insécurité, fuie par deux millions de personnes, tandis que la mission des Nations unies est aujourd’hui la plus importante opération de maintien de paix au monde, avec près de 20 000 militaires.


Devant l'église, lors d'une célébration oeucuménique pour la paix. "Nous continuerons à prier jusqu'à ce que ce soit fini", a délaré un membre de la congrégation. Goma, 1er août 2012. - Phil Moore


Tel est le fond du reportage de Phil Moore, réalisé entre mai et novembre 2012, suivant les collines luxuriantes de ce territoire congolais, meurtri par les évacuations, le sauve-qui-peut des populations, ses déplacements. Une guerre de position évidente à l’image, marquée par l’immobilisme : un soldat sous une pluie battante ; un camion de l’armée quittant une position de tir pendant une opération pour contrer l’avancée des rebelles, près de la frontière ougandaise ; un civil tranquillement installé devant un bar, tandis que derrière lui l’armée sécurise la zone, après une attaque de rebelles ; l’embarquement de casques bleus à bord d’un hélicoptère ; un camp de fortune, dans la périphérie de Goma ; un rassemblement de villageois autour d’un fumage de poissons ; enfin, un soldat de l’armée nationale qui monte la garde sur une colline surplombant une position de blindés de l’ONU. À chaque image, ses tensions, son poids de récit dramatique.


Des milliers de Congolais fuient la ville de Sake après de lourds affrontements entre l'armée et les rebelles du M23. Sake, 26km à l'ouest de Goma, 22 novembre 2012. - Phil Moore

C’est un autre regard que pose Pascal Maitre sur le Congo, concentrant son objectif sur la ville de Kinshasa, « cette cité sans fin » , aux allures de « damier avec tous ses toits rouillés » , ressemblant aussi « à une immense peinture moderne, composée de tous les gris des murs, du noir de la terre et de la boue, des couleurs pastels des publicités et des boutiques » . Nombre d’habitants vivent avec seulement un dollar par jour. Encore faut-il trouver ce dollar, déployer alors des trésors d’ingéniosité, « faire preuve d’une créativité et d’une imagination exceptionnelles » , dit le photographe.

C’est précisément cette « créativité » que Pascal Maitre rend en images. Des images saturées de couleurs, dans lesquelles se bousculent une foule bigarrée d’artistes : musiciens, sculpteurs, féticheurs, catcheurs, danseurs et chanteurs, puisant leur inspiration dans la vie quotidienne et dans les traditions, mais encore des « ambianceurs sapeurs » , ces cadors de la sape, et qui en ont les moyens, au goût prononcé pour le costume élégant, griffé luxueusement (Yamamoto, Dolce Gabbana, Paul Smith), en opposition à l’authenticité prônée par Mobutu qui avait interdit le port des costumes occidentaux. Un point commun à ces personnalités : toutes ont fui les différentes guerres vécues par le Congo depuis une vingtaine d’années, pour venir grossir les quartiers populaires de la capitale.

Julie Djikey du collectif Kisalu Nkia Mbote, artiste performeuse et photographe, lors d'une performance dans les rues de Kinshasa contre la pollution, le réchauffement climatique et l'utilisation des produits cosmétiques. Elle a transformé son corps en "voiture humaine" en s'enduisant d'un mélange d'huile pour moteur et de cendres de pneus brûlés, avec des filtres à huile en guise de soutien-gorge. - Pascal Maitre


Pascal Maitre documentarise, un brin esthétise, jouant des couleurs vives. Qu’il s’agisse d’une devanture de pompes funèbres ou d’un marché au pain, de fabricants de meubles exposant canapés et fauteuils en plein air, de groupes ethniques procédant à des cérémonies, harnachés de parures. Le toutim sonnant comme une joyeuse parade, un tableau vivant, stupéfiant, sans doute l’un des plus étonnants que présente cette vingt-cinquième édition de Visa pour l’image.

Dans Kinshasa la capitale du Congo, ces Pygmées originaires de la province de l'Équateur continuent à perpétuer leurs traditions afin que les jeunes n'oublient pas leurs racines, mais aussi que les ancêtres continuent à les protéger. - Pascal Maitre

Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don