De la répartition du travail à l’aménagement des loisirs

Troisième et dernier volet de ma petite série sur la place du travail dans le monde d’après : l’épineux problème de la répartition du travail restant. Et celui, concomitant, de l’aménagement d’un temps de loisirs de plus en plus conséquent.

Le Yéti  • 23 juin 2014
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L’ultime argument des prisonniers de la vieille valeur-boulot consiste à prétendre pouvoir répartir également le temps de travail restant sur l’ensemble des citoyens.

« Travailler moins pour travailler tous et mieux », revendique le Parti de Gauche dans son manifeste pour l’écosocialisme. «Il faut passer à la semaine de 32 heures», proclame Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne).

Le constat de la raréfaction du travail n’est guère inédit. Bien d’autres analystes en partagent aujourd’hui l’idée :

Mais tous de continuer à se placer en dépit du bons sens dans la perspective d’un retour au plein-emploi. Faire le deuil des vieilles valeurs du monde d’avant est décidément bien difficile, même si on note de ce côté-là une certaine évolution des esprits (le manifeste du PG propose de s’interroger sur la finalité du travail, qui est de « produire ce qui nous est nécessaire » et rien d’autre).

Un partage du travail sur une durée globale

Un examen des réalités de terrain montrerait à coup sûr que les emplois dégagés par une politique écosocialiste ont bien peu de chances de compenser les emplois perdus du vieux système de croissance hystérique. Sans compter tous ceux qu’il conviendrait encore de supprimer d’urgence pour inutilité ou extrême nocivité (traders, par exemple).

Quant à la revendication d’une réduction horaire du temps de travail, elle vaut peut-être pour les professions ne nécessitant aucune qualification particulière. Mais relève de l’illusion pour beaucoup d’autres : un médecin, un enseignant, un boulanger, un maçon, travaillant vingt heures par semaines ? En deçà d’un certain volume de travail disponible, le partage des tâches tient plus de l’émiettement stérile que de la répartition équitable.

Dès lors, le partage du travail ne peut s’envisager que sur sa durée globale tout au long du parcours professionnel, par une réduction sensible du nombre de trimestres travaillés à effectuer .

L’aménagement du temps de loisirs

Dans un contexte où se côtoient raréfaction du travail nécessaire et allongement de la durée de vie, se pose alors le problème de l’aménagement du temps de loisirs (j’entends par « loisirs » le temps libre dont l’individu peut disposer pour lui-même et son propre épanouissement, non la perversion « consommatrice » qu’en ont fait les gourous du monde d’avant).

L’idée serait que l’individu soit en mesure d’intervenir sur la répartition entre son temps de loisirs et le nombre de trimestres qu’il est tenu d’effectuer tout au long de sa vie dite active , avec possibilité dans la mesure du possible d’alterner et d’organiser périodes de travail et congés sabbatiques.

Cet aménagement serait tout à fait envisageable dans le cadre d’ un revenu de base évolutif , c’est-à-dire permettant d’accumuler des points d’activités valant revenu en fonction du nombre de trimestres de travail effectués.

Enfin, dans une société de loisirs, se posera aussi la question de la répartition des tâches les plus ingrates, mais indispensables. Difficile d’anticiper ce qui se passera dans ce domaine. Dans mon petit programme, je suggère la piste d’ un service national civil (à l’image du bon vieux service militaire) pendant lequel tout citoyen de tout sexe et de tout milieu se verrait affecter, un temps donné, à des tâches d’intérêt général.

Utopie ? Allons donc ! Encore une fois cette révolution est en réalité déjà entrée dans les faits, irréversible. Sauf que certaines périodes de loisirs sont encore stigmatisées sous le vocable infamant et punitif de « chômage ».

Mais il en va des loisirs comme des plaisirs de la chair. Il faut du temps et de l’énergie pour les tirer de l’emprise culpabilisante des vieilles religions castratrices.

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