France-Allemagne, comment prédire la victoire à coup sûr

L’imminence d’un match décisif et aussi symbolique qu’un France-Allemagne, lors d’un Mondial, déchaîne les pronostics. Tour d’horizon des techniques en vigueur pour déduire le vainqueur avant le premier coup de sifflet.

Patrick Piro  • 4 juillet 2014
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Illustration - France-Allemagne, comment prédire la victoire à coup sûr


Quand on a les chocottes , à quelques heures d’un événement aussi important qu’un quart de finale France-Allemagne au Maracanã, le stade de Rio « numéro un » du monde (révèrent les spécialistes), on tente de se rassurer comme on peut. Le foot, les hommes de Didier Deschamps ne s’en souviennent que par ouï-dire (ils n’étaient pas nés), c’est ce jeu qui se joue à 11 et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne, se désolait l’Hexagone dans les années 1980-1990. Pas étonnant que la presse de 2014 déborde du souvenir de la plus dramatique des preuves de cet adage d’airain : la demi-finale de Séville, en 1982, où la bande à Platini menait 3-1 dans les prolongations, finalement défaite 3-3 et 5-4 aux pénaltys, avec en prime l’agression monumentale du gardien de but Schumacher sur Battiston. Bref, la réconciliation post-1945 en a pris un coup, au bout de cette nuit dramatique.

Alors, comment discerner pour la France une victoire possible (et nécessaire, vu le passif), si l’on ne fait pas confiance aux arguments émotionnels (« On peut pas le perdre, ça serait trop dur ») ou méthode Coué (« c’est sûr, on va gagner ») ?
On pourra laisser tomber les oracles. Ce n’est pas qu’on répugne à sacrifier un poulet noir pour lui déchiffrer les entrailles. On a aussi une voyante sous la main, voire une ancienne pièce d’un franc pour un pile-ou-face. Mais le résultat n’est pas garanti : ça pourrait désigner l’Allemagne.
D’ailleurs, ça s’est largement vérifié avec le phénoménal Paul le poulpe, céphalopode qui vécu en 2010 dans un aquarium d’Oberhausen (Allemagne…) : soumis à deux appâts, présentés dans des récipients arborant respectivement le drapeau de l’Allemagne et de son adversaire lors de la Coupe du monde d’alors (Afrique du Sud, mauvais souvenir pour la France), il a par son choix désigné huit fois sur huit le futur vainqueur. Dont l’Espagne, face à l’Allemagne, en demi-finale (pas en quart). Espoir ? L’animal est décédé depuis.
Le plus performant des successeurs de Paul (il existe un vrai business sur cette méthode) est… un logiciel. Il s’agit d’un assistant vocal créé par Microsoft. Assistante, d’ailleurs, prénommée Cortana. C’est connu, les femmes sont aussi perspicaces que les hommes en matière de foot. Elle a huit sur huit jusqu’à présent. Veuillez sauter la phrase suivante : Cortana prédit la victoire de l’Allemagne ce soir.
Mais bon, elle avait prédit, en huitième de finale, la victoire de toutes les équipes arrivées en tête de leur poule : pas bouleversant. A contrario, la science de Cortana livre une information, évidente pour vous sinon vous ne liriez pas ces lignes : pas de doute, l’Allemagne est favorite. C’est aussi l’avis des parieurs, majoritairement soucieux de leur investissement.

Reste la numérologie , pour tenter de concevoir un démenti. Je veux dire les statistiques. (Nous avons écrit ce que nous pensons de ces chiffres qui nous gouvernent).
On peut régulièrement lire ça dans les publications sportives, mais pas uniquement. Ainsi : la France n’a jamais perdu en quart de finale depuis 1938. Ça rassure grave. Mais l’honnêteté (pas obligatoire) exige de rappeler que l’Allemagne n’est guère perdeuse non plus à ce stade. Les chiffres mentent à la mesure des omissions commises par ceux qui les brandissent : le « 5-0 » français en quart de finale est-il plus percutant que le « 11-3 » allemand (nos voisins sont bien plus assidus que nous au rendez-vous du Mondial…) ?
On peut vous aligner mille signes, jusqu’au plus ténus (« la France se sent vraiment bien au Brésil »), voire ne conserver que ceux qui nous arrangent. Le site eurosport.fr nous en fait une liste de dix. Le plus préoccupant est cependant déniché par « psycho », dans les commentaires de l’article : son lave-vaisselle est tombé en panne, ce qui n’était jamais arrivé un jour de match de la France depuis le début de la compétition… 

Glissons une hypothèse à nos amis italiens, au point où on en est, alors qu’ils accablent sans grande imagination le pauvre Balotteli (« coupable » d’une médiocre performance au Brésil), pour expliquer à la nation en deuil son élimination précoce de la compétition. N’avait-on pas remarqué que Rocco Siffredi, star (vieillissante) du porno, avait décrété son abstinence sexuelle « pour soutenir l’Italie » ? Quand on connaît la cadence de l’étalon transalpin, il est plausible que dans un élan collectif, inconscient et compatissant, les joueurs de la Squadra azzurra se soient sacrifiés afin de lui épargner une trop longue épreuve.

6 juillet 2010 : la veille du match, Paul le poulpe « décide » de la victoire de l’Espagne sur l’Allemagne en demi finale de la Coupe du monde de foot. P.Stollarz/AFP

Temps de lecture : 4 minutes
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