Si Jaurès…

… avait vécu (1)

Bernard Langlois  • 23 novembre 2014
Partager :

On s’en voudrait de laisser venir cette fin d’année du centenaire de son assassinat sans avoir, dans ce blog, évoqué Jaurès [^2].

Même si ### Politis l’a célébré comme il fallait, tant par son numéro spécial à lui consacré, que par son association à la belle création théâtrale due à Jérôme Pellissier et à la Compagnie Aigle de Sable [^3].


Illustration - Si Jaurès…

La grande figure de Jean Jaurès, immense penseur et acteur infatigable du combat politique, jusqu’à y laisser sa vie. Et un grand vide dans les rangs d’une gauche socialiste aux chapelles multiples, qu’il s’était échiné à rassembler, juste avant la catastrophe.

L’aurait-il évitée, la boucherie, si le bras de Raoul Villain, armé par une propagande haineuse, n’avait stoppé net sa bataille pour sauver la paix ? Sans doute pas. Il était déjà trop tard et le chauvinisme des peuples, entretenu au grand feu des propagandistes des deux côtés du Rhin, les rendaient déjà sourds à la raison : le capital avait besoin de cette grande saignée.

Qu’aurait fait Jaurès la guerre une fois déclenchée ? Toute spéculation serait vaine. On sait néanmoins que le grand dirigeant socialiste, s’il s’opposait à toute guerre offensive, n’en était pas pour autant un pacifiste intégral, au sens où l’étaient certains de ses camarades (comme Gustave Hervé, pour qui « les ouvriers n’ont pas de patrie » ).

Jaurès sait que « l’Histoire se rit des prophètes désarmés » (Machiavel), et croit que la Patrie, la Nation, la République, doivent être en mesure de se défendre contre une invasion. Il a théorisé ses conceptions d’une armée défensive (dans la droite ligne de la « nation en armes » de la France révolutionnaire) dans son livre L’armée nouvelle , où il professe que « en attendant la réalisation de la paix internationale par l’unité socialiste, il est du devoir des socialistes de tous les pays de protéger chacun leur patrie contre toutes les agressions possibles. »

On peut donc penser que, sans le crime de Villain, et après un dernier baroud d’honneur, Jean Jaurès, bien que non mobilisable (il a 55 ans en 1914) aurait fini, la mort dans l’âme, par endosser la capote bleu horizon. Engagé volontaire dans les services de santé « pour partager la vie des prolétaires dans la boue des tranchées. »

Pour finir peut-être, comme son ancien ami devenu son pire détracteur, Charles Péguy, d’une balle en plein front pendant la bataille de la Marne…

Et si, au contraire, il avait survécu à la guerre?

(A suivre)

[^2]: Avec l’aide d’un ouvrage récent, parmi bien d’autres: Jaurès et le réformisme révolutionnaire , de Jean-Paul Scot (Seuil,362 p., 2€)

[^3]: Rallumer tous les soleils, Jaurès ou la nécessité du combat

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don