Devenir mère : un projet intime et universel

Le festival international de photojournalisme Visa pour l’image, à Perpignan, propose au grand public une bonne vingtaine d’expositions à travers la ville. Premier volet d’une série, le quotidien ordinaire de mères adolescentes, sous le regard de Viviane Dalles.

Jean-Claude Renard  • 1 septembre 2015
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Devenir mère : un projet intime et universel
Photos : Viviane Dalles

Comment vit-on quand on est à la fois mère et adolescente ? En 2014, selon l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation (INJEP), elles étaient 5 000 dans ce cas, à avoir fait le choix de garder leur bébé, au bout d’une grossesse pas toujours désirée. Un choix délicat, à contre-courant de notre société. Ces jeunes femmes de seize à dix-neuf ans ont arrêté leurs études pour se construire une nouvelle vie. Ou tenter de la construire, partagées qu’elles sont entre les tourments de l’adolescence et le bonheur de devenir mère.

Illustration - Devenir mère : un projet intime et universel

En France, le Nord-Pas-de-Calais a cette particularité de compter le plus grand nombre de mères adolescentes. Près de la frontière belge, en Thiérache, certaines villes, comme Fourmies, ont reçu le surnom de « ville poussette ». Il y a deux ans, le planning familial a dû ouvrir une antenne dans cette petite cité de 13 000 habitants. Une cité malade des crises économiques successives. Après une longue période de prospérité, la Thiérache, géographiquement enclavée, est aujourd’hui fortement touchée par le chômage. La crise, à l’orée des années 1960, a conduit à la fermeture des sites industriels, tandis que les petites entreprises étaient au bout du rouleau. Ici, les études sont limitées au CAP ou au BEP. Ça ne va guère plus loin. Sans débouchés. Difficile de se projeter dans l’avenir. De fait, avoir un enfant est un projet de vie. Avec ou sans père à ses côtés, en égrenant les périodes de conflits, tantôt avec ses parents, tantôt avec ses amis.

Sans doute interpelée par cette région sinistrée , marquée par la présence de mères adolescentes, Viviane Dalles a suivi quatre d’entre elles, pénétrant à l’objectif une intimité ordinaire, et universelle. Chaque jeune femme possède son histoire, sa trajectoire ; toutes se ressemblent néanmoins. Où l’on est à trois euros près pour acheter une paire de chaussures, où l’échographie fait un peu plus prendre conscience de sa maternité. Toujours en intérieur (les sorties semblent rares), ce sont des moments paisibles que saisit la photographe. Une partie de cartes, une visite chez une gynécologue, jusqu’à l’accouchement, les premiers jours du nourrisson en famille, entre le bain et le biberon… Des intimités où le père n’est pas à la fête, du moins absent, ou au mieux, dissimulé derrière son enfant. Il n’a pas de visage, ou si peu.


Illustration - Devenir mère : un projet intime et universel


Il n’empêche, dans le cadre coloré jamais un regret ne s’exprime, devant le jugement d’autrui, les difficultés financières, devant les heures de solitude, de doute et d’interrogation, ou durant les séances de psychomotricité. Non, pas de regret. On fait face. Comme on fait face à l’objectif (au centre du cadre, au centre de la vie sans doute). Mais sans crânerie. C’est à peine si, une fois, une crise de larmes perturbe cette relative quiétude dans la fébrilité. Ce sont des vies sans éclats, sans rien de spectaculaire. Sans artifice ; du coup, il n’y en a pas à l’image. Dalles ne cède rien au pathos. Cela aurait été facile. Mais il se passe toujours quelque chose. Sûrement un projet de vie qui, même souhaité, n’est pas gagné, mais voudrait bien répondre à une idée fixe : devenir une bonne mère.

Visa pour l’image 2015 , Viviane Dalles, devenir « mère ado » (Hôtel Pams), jusqu’au 13 septembre. Entrée libre.


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