Le selfie de Naruto

Christine Tréguier  • 14 janvier 2016
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Illustration - Le selfie de Naruto
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Crédit : Naruto Selfie

L’image de Naruto, un macaque qui a pris une photographie en gros plan de lui-même, est célèbre sur le web. La photo est hilarante. On a vraiment l’impression que le singe sourit de toutes ses dents en se livrant complaisement à l’art du selfie et l’image résultante est une sorte de caricature de cette pratique à laquelle s’adonnent les êtres humains à tout bout de champs. Mais sa célébrité tient aussi à la question juridique qu’elle soulève : qui peut se prétendre l’« auteur » de ce selfie ?

L’histoire débute en 2011 en Indonésie, quand David Slater, photographe animalier, installe son appareil sur pied dans la jungle pour saisir les faits et gestes de la colonie de macaques nègres qui y niche. Hasard ou acte prémédité, un macaque femelle s’empare du déclencheur et prend une série de clichés que le photographe propose à une agence.
Les « selfies de singe » circulent dans la presse avec son copyright, mais le blog Techdirt les publie en estimant qu’ils appartiennent au domaine public. Son argument est le suivant : le singe n’est pas une « personne légale » pouvant revendiquer leur propriété et le photographe n’ayant pas participé à leur processus de création n’en est pas l’auteur non plus. Parallèlement le site Wikimedia Commons met les clichés à disposition dans sa librairie d’images publiées sous licence libre. David Slater, qui affirme avoir intentionnellement installé son matériel pour que les macaques l’utilisent et se dit financièrement lésé, demande alors à la Fondation Wikimedia le paiement de droits ou le retrait des photos dont il revendique la paternité. Les avis des juristes divergent et c’est le United States Copyright Office qui tranchera en décembre 2014 : «  Pour qu’il y ait paternité d’une oeuvre, il faut qu’elle ait été créée par un être humain… les oeuvres qui ne satisfont pas à cette condition ne relèvent pas du copyright  » estime la commission qui cite plusieurs exemples comme une « photographie prise par un singe » ou « une oeuvre murale peinte par un éléphant ».

Rebondissement en septembre 2015 lorsque le PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) intente une action auprès d’une cour californienne demandant que le macaque Naruto soit reconnu auteur de la photographie et que les bénéfices des ventes soient gérés par l’association au profit des macaques vivant dans la réserve indonésienne. Après quelques arguties d’avocats pour savoir si Naruto est bien celui qui appuyé sur le déclencheur, le juge William Orrick a finalement rejeté la demande de PETA en janvier 2016. Pour lui il appartient au Parlement et au Président d’étendre la protection de la loi aux animaux, mais « il n’y a aucune indication en ce sens dans le Copyright Act ».
PETA dit vouloir poursuivre son action, Slater continue à revendiquer son droit d’auteur sur les selfies et Naruto n’a souhaité s’exprimer. Affaire à suivre….

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