ToutanCamus, un nouveau journal pour le collège Albert Camus de Meaux.

Un groupe d’élèves du collège Albert Camus de Meaux a relevé le défi proposé par plusieurs professeurs : réaliser et distribuer un journal en l’espace d’une journée. Retour sur ce projet original qui a motivé des élèves totalement investis.

Jean-Riad Kechaou  • 15 avril 2016
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ToutanCamus, un nouveau journal pour le collège Albert Camus de Meaux.

J’ai toujours aimé les challenges, ça casse le train-train quotidien. Celui-là était de taille, créer un journal scolaire en une journée, au collège Albert Camus de Meaux classé en REP +. Le sigle peut faire peur à certains professeurs mais il signifie simplement que les élèves y sont plus défavorisés qu’ailleurs, certainement pas plus bêtes ni plus agités. Lorsque le chef d’établissement de ce collège m’a sollicité pour créer un média, je lui ai proposé d’élaborer une feuille de chou à plier sur une journée banalisée avec un groupe de volontaires. Le projet lui plaisait. Après une prise de contact avec la documentaliste du collège Mme Dali, la date était fixée, le vendredi qui précédait les vacances d’hiver.

Accompagné de mon acolyte Martin, un ancien élève, aux Beaux-arts aujourd’hui pour devenir graphiste, nous arrivons sur place à 9h30 et réalisons vite que la journée sera radieuse. L’accueil des élèves est en effet chaleureux et en leur annonçant le programme, Aminata, Rikéta, Mariam, Stephen, Aya, Thierno, Merveilles, Julien, Didier, Yassine, Emilie et Alexis sont tous réjouis sans vraiment y croire : nous allons distribuer un journal à 17h à la grille de leur collège alors que l’on ne connait encore ni son nom, ni les sujets évoqués le matin même de sa sortie. Il y a une part de risque non négligeable mais c’est ce qui fait aussi la force de ce défi. On décuple la motivation des élèves qui voient l’aboutissement de leur investissement la journée même.

9h30: une conférence de rédaction productive

© Politis

La conférence de rédaction commence donc à 9h30 agrémentée d’un petit déjeuner, la base quand on veut instaurer de la convivialité dans un groupe de travail qui doit passer 7 heures ensemble. La documentaliste est accompagnée d’un prof d’arts plastiques, M. Valéry, ce qui fait 4 adultes pour 12 élèves de troisième, les conditions sont donc optimum dans un CDI réservé pour nous toute la journée.

La liste des articles est dressée très rapidement : {: name= »GoBack » target= »blank » }sans sombrer dans de la démagogie, il faut accrocher le lecteur, un collégien lambda d’un collège de banlieue. Les élèves font preuve d’imagination et leurs profils se complètent très bien, du coup leurs propositions assurent un journal équilibré.

On retrouve pour l’actualité française, le débat sur la déchéance de nationalité, un thème intéressant dans un collège où l’écrasante majorité des élèves est d’origine ou de nationalité étrangère, la succession d’Obama en actualité monde, un zoom sur le film Citizen Kane et le livre « A la folie » de Brigitte Lorenz, de la culture encore avec le film Creed, le titre Work de Rihanna et le phénomène Ohplai, un youtuber qui cartonne chez les jeunes banlieusards. Un article doit comparer les deux jeux vidéos de foot vénérés chez les ados : FIFA et PES et on se demande aussi question football toujours si le PSG peut remporter ou pas la ligue des champions avec un sondage qui doit être réalisé sur une centaine d’élèves. Enfin, l’actualité du collège n’est pas en reste avec la description du futur voyage en Allemagne et le bilan sportif des différentes associations sportives du collège.

Les apprentis journalistes partent faire leur recherche après un cours de méthodologie sur l’écriture d’un article où je leur répète une chose : « Ayez un angle d’attaque pour rédiger votre article ! » Le danger étant qu’ils rédigent un article de type encyclopédique sans y intégrer leur personnalité et en perdant de vue que les lecteurs, ce sont les élèves, pas les professeurs ! Ils comprennent vite et peuvent même utiliser leurs smartphone pour trouver des informations. Une liberté qu’ils apprécient et dont ils n’abuseront pas. Deux élèves encadrés par les deux professeurs d’arts cherchent à créer un logo au journal qui se nommera ToutanCamus, un choix original. Un poster du masque funéraire du jeune pharaon égyptien trônait dans le CDI. Le nom sonne bien, c’est l’essentiel.

Des élèves très entreprenants

© Politis

La matinée passe vite. À la récréation de 10h30, une brigade part faire un sondage sur les chances du PSG de remporter la ligue des champions puis l’équipe de dessinateurs nous proposent différents logos et l’ensemble de l’équipe se prononce lors d’une mini réunion improvisée pour l’occasion. L’intérêt d’une journée comme celle-ci, c’est aussi l’expérimentation du travail d’équipe et du dialogue qu’il nécessite. Les élèves ont apprécié prendre la parole et surtout être entendus.

Le déjeuner est pris rapidement et l’équipe de rédacteurs a rempli son objectif. Tous les articles sont finis vers 14h30. Quel plaisir de voir ces adolescents aussi investis. Vient le temps des corrections et de la mise en page pour les adultes qui encadrent.

En une, au vu de la polémique créée à l’époque par ces déclarations sur le réseau social périscope très tendance chez les adolescents, une photo de Serge Aurier chambre les élèves de Camus avec une bulle où est écrit « Les élèves de Camus ? Même pas cap de lire un journal ! ». L’éditorial de ma collègue documentaliste décrit cette belle journée.

Pour les occuper je leur donne une mission de communication : réaliser une centaine de prospectus à distribuer à la récréation de 16h pour annoncer la venue de ToutanCamus. Les élèves rivalisent d’imagination et sont excités.

© Politis

16H30, mission réussie

16h30, le journal, une feuille A4 recto verso, à plier tel un dépliant, est imprimé. Tirage à 150 numéros. Le principal du collège, directeur de publication, a été généreux. Au retour de la salle de reprographie, les élèves admirent fièrement leur travail, encore tout chaud. Ils plient avec soins leur journal et toute l’équipe se dirige à la grille de l’établissement. Ces apprentis journalistes sont tous fiers de le distribuer à leurs camarades sortant tête baissée de l’établissement en direction de leur cité de Beauval, mission accomplie.

© Politis

Pour Mme Dali, la documentaliste du collège, le projet est une réussite et son bilan est un encouragement pour tous les férus d’éducation aux médias : « Réunir les élèves sur toute une journée, c’était chouette. Cela a permis de les immerger dans le monde de l’info avec cette deadline mieux perceptible. Dans le cadre de l’éducation aux médias, l’accent apporté au travail de vérification des sources (chiffres, dates, propos…) participe à un un véritable travail de recherches d’informations, indispensable à la fabrication d’une éthique journalistique. Ils ont aussi réfléchi sur l’angle à trouver à leurs articles et leur engagement a été important car ils n’ont pas l’habitude d’être sollicité de cette manière. Nos élèves sont sortis du cadre scolaire avec des compétences transversales et un travail de synthèse et de communication destinés aux autres élèves et non aux professeurs qui ont d’ailleurs été épatés par le style et par la forme avec ce format recto verso qui offre une bonne prise en main. Cette journée a donc été très positive, les élèves veulent retenter l’aventure et cela a même incité d’autres à s’inscrire.»

Longue vie donc à Toutancamus et à bientôt peut-être !

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