Autriche: n’en déplaise à la presse et aux politiques, c’est bien un écologiste qui a été élu président !

un succès qui devrait interpeler nos derniers écolos politiques et faire réfléchir Nicolas Hulot

Claude-Marie Vadrot  • 24 mai 2016
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Comme s’il s’agissait d’un gros mot ou d’une incongruité, la plupart des médias français inventent des détours incroyables pour éviter d’écrire ou de dire clairement que l’élection présidentielle autrichienne a été gagnée par un écologiste. Ils usent de périphrases, préférant évoquer un « candidat indépendant » et mettre en avant que le scrutin a été perdu, de peu il est vrai, par un homme d’extrême droite qui voue aux gémonies aussi bien les migrants et réfugiés politiques que les intellectuels, le théâtre, les étrangers ou le cinéma corrupteur et ses incitations à la pornographie. On en passe et pas des meilleures. Bref un extrémiste graine de facho, qui rêve de purifier son pays. Un vieux fantasme qui remonte loin. Les médias et les politiques français expriment finalement de façon subliminale une sorte de regret que le pire ait été évité grâce à un politique doté d’un esprit vert et adversaire, même modéré, du libéralisme débridé.

Pourtant, que cela plaise ou non, le nouveau président qui entrera en fonction au mois de juillet est bel et bien un écolo.

A tel point qu’il a officié une dizaine d’années comme porte-parole de l’écologie politique autrichienne. Et qu’il a été soutenu par son ancien parti pour se présenter et être élu. Dans un pays dont il ne faut pas oublier qu’il est le premier des pays européens pour la culture, la promotion et la consommation de l’agriculture biologique. Un signe. Un choix que les sociaux-démocrates et les conservateurs qui se sont partagé tranquillement le pouvoir pendant des années, n’ont jamais favorisé. Alors que la part de la surface agricole utile consacrée aux cultures et élevages bio a atteint 20 %, répartis sur 22 000 exploitations agricoles. Des chiffres qui dépassent tous ceux de la France (exemple : 12 000 fermes dans notre pays). Comme d’ailleurs sont plus raisonnables ceux de l’énergie puisque l’Autriche a fermé depuis des années, par référendum, sa seule centrale nucléaire, préférant consacrer plusieurs milliards d’euros aux développements rapides des énergies renouvelables.

Un exemple, cette élection non attendue. D’autant plus qu’elle est soulignée par l’effondrement des partis institutionnels. Elle doit faire réfléchir car tout ce que ce petit pays compte encore comme progressistes a désespérément et efficacement, soutenu le candidat vert contre la peste brune alors que tous les politiques traditionnels et les médias étrangers n’y croyaient pas. Préférant se délecter de la catastrophe annoncée. La preuve, donc, que contre le péril de l’extrême droite un candidat vert et prônant un développement raisonnable et maitrisé, est peut-être la solution pour vanter, voire appliquer, une politique respectant les équilibres naturels d’un pays, pour mettre en avant une politique agricole laissant toute sa place à une exploitation respectueuse de la nature et à une transition écologique. Tout en favorisant la diffusion d’une alimentation moins dangereuse pour les consommateurs.

Une leçon et un exemple que devrait prendre en compte un certain Nicolas Hulot maintenant que ce qui reste du parti des écologistes en pleine déroute et s’enfonçant dans une crise sans fond 30 ans après sa création, ne représente plus une alternative crédible. Il n’est pas certain, pas encore, que Nicolas Hulot puisse gagner. Mais face aux productivistes qui, à gauche comme à droite, s’apprêtent à nous proposer une France de croissance aussi effrénée qu’impossible, il a peut-être ses chances. Et au moins la certitude qu’il fera réfléchir les Français en proie à une crise existentielle.

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