Copa, Copacabana palace

Loin des grandes célébrations sportives qui font l’actu du Brésil, Peter Bauza a choisi de concentrer son regard sur des sans-abris, près de Rio, investissant un complexe immobilier abandonné.

Jean-Claude Renard  • 29 août 2016
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Copa, Copacabana palace
Photo : Peter Bauza

Le Brésil n’en finit plus d’investir des milliards de dollars en infrastructures pour accueillir les plus grandes manifestations sportives de la planète. Les Jeux panaméricains de 2007, la Coupe du monde de foot, en 2014, cet été encore les Jeux olympiques. Ce n’est qu’une face visible d’un pays plongée en pleine crise politique, sociale et économique. Peter Bauza n’a suivi aucune compétition, aucun athlète. Il est resté du côté de Rio pour concentrer son objectif sur d’autres cariocas, les « sem teto, sem terra », les sans toit ni terre, soustraits au regard du public, dissimulés à la presse étrangère.

Pendant sept mois, le photographe s’est mêlé à la vie de quelques locataires du Copacabana Palace. Le nom peut faire rêver ; il est surtout moqueur. Voilà trente ans, une entreprise de BTP brésilienne construisait un ensemble d’immeubles en copropriété destinée à la classe moyenne, à une soixantaine de kilomètres de Rio. A la suite de problème de construction et de financement, plusieurs immeubles sont restés abandonnés, inoccupés quelques années. Jusqu’à ce que des sans-abris viennent s’emparer des lieux, de cinq bâtiments, en dépit des expulsions répétées.

© Politis

Ni eau, sinon une douche commune, ni assainissement, ni électricité, aucun service de base. On y vit dans la débrouille, en tentant de respecter les règles fixées au départ : pas de drogue, pas d’arme, pas de contacts avec les dealers. Peter Bauza passe ainsi d’un bâtiment à l’autre, saisissant un monde misérable, dans ses couleurs chaudes, entre l’acier, les briques et le béton demeurés nus. Des entrées d’immeubles sans porte, pas de fenêtres mais des ouvertures béantes d’où pendent rideaux, draps et linges divers, des ébauches d’escalier menant à d’improbables étages, des façades décrépies. Beaucoup de résidents ont fait des demandes dans le cadre du programme de logements sociaux «Minha casa, minha vida». Des demandes restées sans réponses.

Difficile donc de quitter Copacabana Palace, ce monde insalubre et écroulé, et dont certaines parties communes se sont effondrées. Mais qui ne manque pas de vie. Le photographe ne cède pas ici au misérabilisme, sans doute parce que l’on survit au courage au Copacabana Palace. On y fait la fête, on organise des repas, des anniversaires, des moments de toilette collective, une bénédiction, on y a même installé un salon de coiffure pour dames. Il y a chez Pauza un côté fenêtre sur cour, un côté voyeuriste jamais repu, et complice, qui va jusqu’à croquer un couple enlacé. A vrai dire, assez facilement puisque les appartements sont ouverts à tous les vents !

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