Requins: encore un film qui incite à les massacrer et à redouter la nature

Un animal qui disparait au rythme de 100 millions par an alors que les « attaques » de cette espèce n’entraine que dix morts en une année

Claude-Marie Vadrot  • 25 août 2016
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Chaque année, pour leur chair, pour leurs ailerons vendus en Asie et plus particulièrement en Chine, par accidents lorsqu’ils sont piégés dans des filets avec d’autres espèces ou en raison de la pollution des littoraux, une centaine de millions de requins sont tués par l’Homme ou par sa faute. Chaque année, une dizaine de morts sont provoqués dans le monde par des attaques de squales. Lutte inégale. Pourtant un film, « Instinct de survie », envahit à nouveau les écrans pour relancer une hantise injustifiée. Quarante et un an après « Les dents de la mer » de Steven Spielberg, suivi en 1978 par « les Dents de la mer 2 » puis en 1983 par « Les dents de la mer 3 », des réalisateurs américains ou canadiens, entretiennent une « haine » du requin qui ne correspond à aucune réalité. D’autant plus que si tous les requins, y compris ceux qui nagent au large des côtes françaises, sont victimes de leur mauvaise réputation, ils sont bien peu nombreux à être réellement dangereux. Si tant est que ce mot reflète une notion « appréciable ».

Délires de cinéastes

En fait, seuls le requin tigre, le requin bouledogue, le requin taureau et le célèbre grand requin blanc sont susceptibles d’attaquer des nageurs, des pêcheurs, des plongeurs ou des surfeurs. Pour ces derniers, il faut rappeler que les requins s’en prennent souvent à eux parce qu’ils considèrent les planches de surf comme une proie évoluant en surface. Tous les délires des films catastrophe sur les requins (ou les cétacés) transforment une réalité banale en accusation de « cruauté » ou de « méchanceté ». Ce qui n’a aucun sens lorsqu’il s’agit de qualifier le geste d’un animal, fut-il un prédateur, qui cherche simplement à se nourrir. Seuls l’homme ou la femme peuvent être méchants ou cruels. Il y a conflit parce que les animaux, en l’occurrence les requins, se retrouvent en concurrence avec l’Homme. Parce que ce dernier occupe de plus en plus ce qui a toujours constitué son territoire et aussi parce que les modifications de la capacité nourricière des eaux marines et l’intensification de la pêche incitent les requins, dangereux ou non, à se rapprocher des zones littorales pour manger. Un phénomène qui rappelle celui des ours blancs qui se rapprochent des villages du Groenland, d’Alaska ou de Sibérie pour tenter de trouver (souvent dans des poubelles !) la nourriture dont les conséquences du réchauffement climatiques provoqué par les activité humaines les privent au point de les faire mourir de faim sur ce qui reste de banquise.

Peurs de la nature

Pour les requins, pour les ours blancs, le loup, l’ours brun (des Pyrénées et d’ailleurs) tout comme pour bien d’autres espèces, l’homme oublie qu’elles étaient là lui ou au mieux à des époques lointaines où chacun respectait le territoire de l’autre, ne se rencontrant rarement qu’au cours de chasse pendant lesquelles les chances étaient à peu prés égales. Les animaux peuvent à l’occasion, être dangereux que parce qu’ils sont cernés, chassés de leur territoire ou privés de nourriture. Les films jouant sur la peur ou la haine des espèces sauvages ne constituent donc que des élucubrations humaines destinés à rassurer les spectateurs et à justifier l’éradication progressive des sauvages en entretenant notre peur grandissante de la nature. Un espace naturel que trop de gens ne tolèrent ou n’acceptent que lorsqu’il est bien tondu, bien filmé débarrassé des orties, des moustiques, des fourmis et de toutes les « bêtes », petites ou grosses, qui le peuplent légitimement.

Dommage, mais symptomatique que tant de spectateurs aiment ces films qui diffament les animaux et qui poussent à leur destruction. Avant que les mêmes spectateurs courent se rassurer dans les parcs zoologiques où les représentants d’un monde qui disparait survivent derrière des grilles…

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