Le climat et le GIEC: les avertissements ignorés ne servent plus à rien

 » J’y pense et puis j’oublie »….

Claude-Marie Vadrot  • 8 octobre 2018
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Lors de la première conférence mondiale sur l’environnement organisée à Stockholm en 1972, les rares journalistes et quelques scientifiques qui annonçaient et craignaient les conséquences du réchauffement climatique déjà en cours déclenchaient les sourires et les sarcasmes. Les climato-sceptiques étaient alors nombreux et affutaient leurs arguments soutenus par les groupes de pression de l’énergie et de l’industrie.

Et il fallut attendre 1988 pour que les Nations Unies inventent le GIEC à la demande du G7 dont les membres espéraient que ce nouvel organisme soit rapidement englouti par la bureaucratie onusienne. Mais les scientifiques et les climatologues alertés depuis des années échappèrent à la bureaucratisation et se mirent au travail en publiant dés 1992 un premier rapport alarmant. Solidaires autour de leurs recherches et de leurs inquiétudes ils ont poursuivi leur travail de lanceurs d’alerte. Et ils ont récidivé en publiant ce 8 octobre un rapport intermédiaire demandant par exemple que la masse de gaz à effet de serre relâchée chaque année dans l’atmosphère soit diminuée en quelques années. Sur un ton qui révèle qu’ils n’y croient pas vraiment. A l’exemple de Jean Jouzel qui fut vice-président du GIEC jusqu’au célèbre « Accord de Paris : « Nous avons fait notre travail, aux politiques d’agir, nous na pouvons pas faire plus». (Voir son interview sur notre site)

Promesses gouvernementales oubliées

Le travail du GIEC tente de nous réveiller et de convaincre que la situation empire car aucun des 197 Etats qui ont signé les accords de Paris n’a tenu les promesses faites en décembre 2015. Y compris les Etats-Unis qui ont renié leur signature, la Russie qui n’a pas fait ratifier sa signature par son parlement et la France dont les émissions ont continué à augmenter ; tandis que la droite ferraillait en sabotant les efforts de la maire de la capitale pour diminuer les pollutions automobiles dans Paris. Sans oublier le président Emmanuel Macron qui dissimule l’inaction de la France sous de beaux discours.

Alors oui, les oiseaux, les mammifères, les insectes, les poissons vont continuer à disparaitre. Alors oui, les glaciers vont poursuivre leurs fontes, les tempêtes se renforcer et la mer continuera à se réchauffer. Alors oui nous allons dans le mur alors que les politiques s’abstinent tous à faire semblant d’agir tout en pensant à l’économie et à leur prochaine élection avant laquelle il n’est pas question de faire évoluer nos technologies et nos gaspillages. En oubliant que si notre pays sera affecté par la catastrophe qui vient, les pays du sud souffriront encore plus des inégalités car ils seront plus rapidement et plus durement touchés. Le réchauffement et les désordres climatiques mèneront vers nous des dizaines de millions de réfugiés climatiques qui délaisseront les fragiles canots pneumatiques pour de gros bateaux qu’ils affréteront pour fuir la faim et les désordres politiques engendrés par les sécheresses et les catastrophes.

Les gouvernements ont fait tout ce qu’ils ont pu pour « adoucir » leur rapport d’une centaine de pages, mais les scientifiques ont tenu bon sur les chiffres tout en acceptant d’en « arrondirent » les commentaires. Ce qui ne change rien sur le fond. Mais qui, journalistes et politiques, aura vraiment lu ce rapport ? Pas grand monde. Au point que le GIEC a cru bon de le faire précéder d’un « Résumé pour les politiques » de 6 pages que le public ne lira pas plus, en oubliant le travail détaillé qui est beaucoup plus alarmant, chiffres et avertissement argumentés à la clé, que tout le monde va s’empresser d’ignorer ou d’oublier.

Tous coupables ET responsables

La presse s’empare évidement de ce rapport, mais il glisse rapidement sur nos consciences et sera chassé dans quelques jours comme un fait divers qui fait causer dans les chaumières. Le public est aussi coupable que ses dirigeants, en France comme ailleurs. Car nous y pensons un peu et puis nous oublions jusqu’au prochain rapport. Oui à une transition énergétique, à un changement des modes de développement mais en gardant nos bagnoles, nos gadgets, en conspuant les vélos ou les transports publics, notre surconsommation et notre avidité pour le viande et les fruits ou légumes hors saison. Liste non limitative car notre schizophrénie est insondable. Comme si les désordres climatiques n’existaient pas autrement que dans les médias.

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