« Clarifier les stratégies »

Madeleine Hersent [^2] a réalisé une cartographie des principaux acteurs de l’économie solidaire en Île-de-France. Elle explique
ici les enjeux de cette initiative.

[^2]: Fondatrice de l’Agence pour le développement de l’économie locale (Adel) et coprésidente du Mouvement pour une économie solidaire (MES).

Madeleine Hersent  • 11 juillet 2007
Partager :

L’aventure du Centre de ressources de l’économie sociale et solidaire en Île-de-France est révélatrice des tensions qui traversent ce secteur. L’économie solidaire est devenue très à la mode depuis que les politiques publiques s’y intéressent. La nomination d’élus à l’Économie sociale et solidaire (ESS) dans les régions et la mise en place de plans régionaux d’ESS ont changé la donne. Cette situation ouvre des possibilités variées et avive les appétits d’intervenants qui découvrent le terme et tentent de se l’approprier, sans pour autant changer leurs pratiques ni remettre en cause le modèle économique dans lequel ils évoluent. L’enjeu actuel est de faire reconnaître les liens entre des actions imbriquant l’économique, le social et le politique, et de créer les conditions favorables au développement d’un secteur où la personne est au centre de l’activité économique. Mais, aujourd’hui, de nombreuses structures et organisations se positionnent ainsi. Une clarification des enjeux et des stratégies des acteurs devient nécessaire pour une construction équitable du secteur.

Le Collectif des acteurs de l’économie solidaire en Île-de-France (Cesif) a organisé une journée de formation et d’échanges le 10 février sur les enjeux institutionnels dans cette région. Cette journée a été très suivie, notamment par des représentants institutionnels et des chargés de mission de collectivités territoriales. Depuis, nous recevons régulièrement des demandes de précisions de différents acteurs mobilisés par cette question. L’expression « économie solidaire » est devenue un mot-valise où chacun projette ses représentations. Cette situation se révèle très préjudiciable aux promoteurs des initiatives solidaires construisant des alternatives socio-économiques, et qui ont des difficultés à faire reconnaître leur spécificité. Que ce soit dans le domaine des services ou dans celui de la création d’activités, ces alternatives permettent de créer des emplois, de répondre à des besoins non couverts, mais aussi de lutter contre les inégalités en renforçant les solidarités sociales et territoriales. Les projets, en créant de l’emploi pérenne et en générant des biens collectifs, sont producteurs de richesse. Or, ces initiatives solidaires sont atypiques. Elles innovent socialement et économiquement. Elles ne répondent pas aux critères administratifs de dispositifs très ciblés par catégories de public, n’intégrant pas la transversalité de ces actions. La logique de projet entre en conflit avec la logique de programme. Les initiatives solidaires sont toujours confrontées au risque de se diluer et de se transformer pour entrer dans la normalité administrative en perdant le sens de l’action. La reconnaissance du secteur est nécessaire pour qu’il ne reste pas cantonné au traitement social du chômage. Or, la confusion actuelle entre action sociale, action médico-sociale, traitement social du chômage et économie sociale et solidaire ne permet pas l’élaboration de politiques publiques de l’ESS véritablement adaptées aux enjeux de cohésion sociale et territoriale et de lutte contre les inégalités. Un travail approfondi sur les évolutions et les adéquations entre projets citoyens et action publique est nécessaire pour faire évoluer les pratiques et favoriser les potentiels créatifs. Le Mouvement pour l’économie solidaire (MES) a réalisé avec le Réseau des territoires pour l’économie solidaire (RTES) un bilan des plans régionaux d’économie sociale et solidaire, qui doit paraître prochainement. Dans la même perspective de renforcement des initiatives, il nous a paru nécessaire de réaliser une cartographie des jeux d’acteurs sur le territoire [^2]. Cette cartographie, adossée à un article plus approfondi traitant de la diversité dans l’économie plurielle, a fait l’objet d’une publication dans la revue Territoires. Elle donne à voir les différentes composantes qui se déclarent, au moins dans le discours, comme faisant partie de l’ESS. Elle a pour objectif de donner des éléments de connaissance et de compréhension du secteur en analysant les contextes de création et les stratégies de ses composantes.
Aujourd’hui, la reconnaissance de la diversité dans l’économie sociale et solidaire est une urgente nécessité pour la construction de l’économie plurielle. Favoriser le droit à l’initiative économique et reconnaître toute leur place aux initiatives citoyennes est un véritable enjeu démocratique pour construire une société plus juste et plus égalitaire.

[^2]: Lire « De la diversité dans l’économie plurielle », Territoires, Adels, n° 479, juin 2007. La cartographie est aussi disponible sur le blog de Politis.

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don