« Montreuil change de gauche »

Patrick Petitjean, adjoint vert chargé de la ville et du développement durable au sein de la nouvelle équipe montreuilloise, répond ici
à Bernard Langlois (« Politis » n° 994) et revient sur la victoire de cette autre gauche représentée par Dominique Voynet.

Patrick Petitjean  • 27 mars 2008 abonné·es

J’ai sursauté, et je ne suis certainement pas le seul, en lisant la conclusion du bloc-notes de Bernard Langlois dans le dernier numéro de Politis : « Même si ça ne se voit pas nettement, Montreuil est passée à droite. » La venue de Dominique Voynet à Montreuil a permis, bien au contraire, de parachever un combat politique mené à gauche depuis quinze ans pour un renouveau démocratique dans cette ville. J’y participe personnellement depuis 1997, après deux ans passés comme adjoint Vert de Jean-Pierre Brard. Bien que figurant depuis cette date dans le « cimetière politique » où il se vante d’avoir relégué ses « adversaires », j’ai conduit pour les municipales de 2001 la liste constituée par les Verts et des acteurs de la vie locale, qui a approché les 29 % au second tour. Le succès de 2008 tient à la fois de cette histoire de la gauche montreuilloise et de l’arrivée de Dominique il y a cinq ans. C’est indissociable.

Une élection cantonale a eu lieu le même jour sur 1/3 de Montreuil, un canton avec la majorité des quartiers populaires. Le second tour opposait Jean-Charles Nègre, conseiller communiste sortant à une candidate verte. Dans les bureaux de ce canton, les mêmes électeurs ont fait gagner Voynet à la municipale et Nègre à la cantonale. On peut difficilement dire que la droite est venue voter communiste à la cantonale et vert à la municipale.

Un deuxième phénomène marquant a été l’importance du vote d’abstentionnistes du 1er tour. Ce sont ces bureaux, dans les quartiers populaires qu’on appelle « le Haut-Montreuil », qui ont fait la différence et permis la victoire de la liste conduite par Voynet.

Ailleurs, elle a fait de bons scores, mais sans la même progression. L’électorat de la gauche de la gauche (10 %) et celui du MoDem (5 %) semblent avoir prioritairement voté Voynet. Il faut saluer l’attitude de la liste ouverte conduite par la LCR, qui avait dépassé les 5 % et, en accord avec la tradition de l’extrême gauche montreuilloise, a refusé les postes de conseillers offerts par Brard pour obtenir son soutien.

Des voix de droite (15 %) se sont reportées sur Voynet comme sur Brard sans faire la différence : le succès de Voynet vient des abstentionnistes du 1er tour et de la gauche de la gauche.

Mis en place en cours de mandat (1984) pour remplacer un maire communiste ouvert et populaire, Brard est parti dans une suite de purges pour construire son pouvoir, loin de l’image de rénovateur qu’il se forgeait à l’extérieur. Ce furent d’abord ses rivaux potentiels au sein du PC, puis le PS en 1992-1993, les Verts en 1996-1997, encore le PS en 2002-2003. Il faut ajouter à son « cimetière » Clémentine Autain à l’automne 2007, Francis Rol-Tanguy peu après et lors de la constitution de sa liste, et les communistes anti-Buffet.

Vu de près, au fil des pratiques réelles, on ne peut qu’être dubitatif sur les « valeurs de gauche » prétendument défendues par Jean-Pierre Brard. Il y a loin des discours aux actes : destruction de foyers africains, expulsions de Roms, complaisance à l’égard des promoteurs, privatisations, une stratégie urbaine qui accroît les inégalités entre les quartiers de la ville, gabegie financière des grands projets, manipulations et propagande en guise de communication… Sans parler de ses fameuses « pratiques politiques » (violence, absence de respect, pouvoir solitaire, autoritarisme). Le communisme municipal est mort depuis longtemps à Montreuil.

Depuis 1997, une dynamique de gauche se développe dans la ville, dans les luttes comme au niveau électoral. Les municipales de 2001 ont été une étape importante, montrant que Brard pouvait être mis en difficulté par une nouvelle gauche. Lors des législatives de 2002, il a été réélu de justesse face à Mouna Viprey, déjà socialiste dissidente. Il n’a dû sa victoire aux législatives de juin 2007 qu’au retrait forcé de la même Viprey : la droite éliminée, il était candidat unique au 2e tour.

Au lendemain de cette parodie d’élection, de nombreux citoyens de gauche ont dit : « Plus jamais ça ». Le travail réalisé depuis 2001 par nos huit élus, leur résistance à l’autocratisme et à la violence de Brard ont construit la base de la démarche. La crédibilité de Voynet comme maire alternative à Brard, ses compétences et son dynamisme ont fait le reste.

La dynamique citoyenne était alors lancée, avec des dizaines de personnes engagées dans la vie locale, dont pas une ne peut être soupçonnée de pencher à droite. L’avenir reste à écrire. Loin de voir dans la chute de la maison Brard un quelconque virage à droite, ou le résultat de l’ambition d’une personne, il est important de s’interroger sur la pertinence de la recomposition citoyenne (inachevée) qui s’opère à Montreuil pour le renouveau de toute la gauche dans ce pays. Nous avons besoin de ce renouveau pour contrer le sarkozysme.

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