Le nouvel ordre du Net

Christine Tréguier  • 3 juillet 2008 abonné·es

Après la charte « Confiance Internet », le gouvernement poursuit sa mise en coupe réglée du réseau avec le fameux projet de loi « Internet & Création », le Plic, taillé sur mesure par et pour l’industrie des contenus, au détriment des fournisseurs et des internautes. Pourquoi tant de sollicitude pour un segment de marché bien inférieur à celui de l’économie numérique, qu’il pénalise ? Par principe, répond Nicolas Sarkozy : « C’est la France qui a inventé le copyright, et si nous continuons dans le système Internet tel qu’il fonctionne aujourd’hui, un jour ou l’autre, il n’y aura plus de création. » Principe repris par la docile Albanel, qui répète après lui : « situation d’urgence […] économie et création menacées […] proportions dramatiques […] pillage des œuvres […]. »
Partant de là, tous les coups sont permis pour obliger les internautes à consommer légal : filtrage, riposte graduée, sanctions pénales. Sauf que certains coups ne sont pas légaux, et le Conseil d’État a donné quelques directives, plus ou moins suivies : une riposte réellement graduée, un vrai recours judiciaire en cas de litige, des transactions négociables au lieu de la suspension sèche, et l’interdiction pour la nouvelle autorité Hadopi d’ordonner le filtrage. La ministre a choisi de ne pas publier cet avis, préférant le dire favorable, et une réécriture minimale du texte a été faite avant présentation au Conseil des ministres.

La ministre et ses rapporteurs ne font pas plus cas des objections, pourtant argumentées, qui s’élèvent chaque jour. Certains parlementaires PS parlent d’ « illusion répressive » . Pour l’UFC, cette loi est « un monstre juridique, inacceptable pour les 15 millions de foyers connectés au haut débit ». L’Association des services Internet communautaires (Asic) dénonce une sanction (la suspension d’accès) qui aboutit à « interdire toute utilisation d’un vecteur de communication et d’expression devenu indispensable […]. » Le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) « s’interroge sur l’absence totale de mesures en faveur de la diffusion des œuvres ».
À ce sujet, si on en croit la ministre, les consommateurs seraient « gagnants ». En effet, les producteurs et leurs diffuseurs en ligne seraient autorisés à attendre un an pour supprimer les dispositifs antipiratages (qui empêchent de télécharger mais aussi de lire les morceaux en ligne et les CD) et développer vraiment les plateformes de téléchargement légal sans verrous. Voilà un compromis tout à fait équitable… pour les pauvres auteurs et les ogres de l’industrie culturelle.

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