L’educ pop a le blues

Les restrictions budgétaires mettent en péril les associations
de jeunesse et d’éducation populaire, qui se mobilisent contre
cette marque de désengagement de l’État.

Manon Loubet  • 24 décembre 2008 abonné·es
L’educ pop a le blues
© **Un appel des associations** Quarante associations de tous horizons (emploi, logement, solidarité, culture, santé, soutien aux étrangers…) lancent un appel intitulé « Associations en danger », face à la réduction drastique de leurs moyens. Le collectif s’inquiète notamment du démantèlement de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé).

Jugé « remarquable » par Nicolas Sarkozy en juillet dernier, le travail des associations de jeunesse et d’éducation populaire est aujourd’hui sérieusement menacé par des coupes budgétaires sans précédent. « C’est tout le secteur qui est touché, aussi bien les associations complémentaires de l’école publique que les foyers ruraux ou les centres de vacances sociaux », s’inquiète Philippe Cahen, le chargé de communication de la Confédération nationale des foyers ruraux.

Illustration - L'educ pop a le blues

Partir en colonie de vacances deviendra-t-il un luxe ?
Dufour/AFP

Dans le projet de loi de finances 2009, les subventions promises pour 2008 aux associations de jeunesse et d’éducation populaire sont finalement amputées de 25 %. En sus, les 50 000 postes d’enseignants détachés dans les associations travaillant aux côtés de l’Éducation nationale seront supprimés d’ici à septembre 2009. Le ministère de l’Agriculture, lui, fait disparaître la ligne budgétaire « animation rurale », tandis que l’Institut national de jeunesse et d’éducation populaire est en danger de mort (voir Politis n° 1024).
Des universités populaires aux foyers ruraux, en passant par les accompagnements éducatifs et le scoutisme, le monde de l’éducation populaire est lié aux ministères de la Jeunesse et des Sports, de l’Éducation nationale, de la Culture et de la Communication, et de l’Agriculture. Et pour chacun de ces maroquins, les aides aux associations sont rognées. À la Ligue de l’enseignement, par exemple, « notre champ d’intervention est très vaste, explique Jean-Marc Foirant, le secrétaire général. Nous sommes touchés par les restrictions budgétaires des quatre ministères ».

Pour Thibault Renaudin, le directeur délégué de l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev), qui propose un accompagnement éducatif pour les jeunes en difficulté, ces mesures « vont casser du tissu social et décourager les milliers de bénévoles qui travaillent pour améliorer la vie quotidienne des plus démunis ». Certaines associations vont se retrouver dans des situations compliquées. Catherine Beaumont, de l’association Peuple et culture, qui lutte contre les inégalités culturelles, en témoigne : « On ne peut pas cesser nos actions car beaucoup de familles sont dans le besoin. Mais on va être obligés de procéder à des licenciements économiques au sein de l’association, les bénévoles vont devoir s’investir de plus en plus, et l’on va grappiller de l’argent par-ci par-là… L’avenir est noir. »
Un peu partout, des plans sociaux vont toucher les salariés des associations de ­l’éducation populaire, et certaines activités de ces dernières vont devoir être arrêtées, au détriment des populations défavorisées. La crise économique ouvre sur de nouveaux besoins sociaux, et les associations ne comprennent pas pourquoi le gouvernement démantèle le tissu associatif dans un tel contexte. « Je me demande si les pouvoirs publics considèrent l’ampleur des dégâts. Nous sommes des associations d’utilité publique, si nous ne sommes plus là, qui va s’occuper de la solidarité ? » , s’interroge Philippe Cahen. Les grosses enseignes de ­l’éducation populaire comme ­l’Union française des centres de vacances et de loisirs (UFCV) sont moins touchées que les petites associations. Elles bénéficient d’autres sources de financement que les subventions publiques en proposant des formations, en vendant des séjours de vacances et en répondant à des appels ­d’offres des collectivités territoriales. « Nous, les grands, nous allons survivre, mais nous ne pouvons continuer nos actions au milieu d’un désert » , précise le porte-parole de l’UFCV.

Reçues par Xavier Darcos le 4 dé­cembre, huit associations complémentaires de l’École publique négocient actuellement des solutions face aux suppressions budgétaires qui leur sont annoncées. Jusqu’en janvier, chaque organisation sera entendue par le cabinet du ministre. « Nous avons rencontré le ministre le 9 décembre, explique Joël Balavoine, le président de la Fédération générale des pupilles de l’enseignement public. Nous ne savons pas à quoi nous attendre, mais au moins le dialogue est renoué. » Du côté du gouvernement, le service de presse de l’Éducation nationale se défend : « On change juste de logique. Avant, on aidait les structures, maintenant, on aide les projets. » À l’évocation de questions plus précises sur les restrictions budgétaires, le service de presse préfère… nous raccrocher au nez. « Les associations vont devenir des prestataires de services. Il n’y aura plus d’initiatives de la part de la société civile » , se désole Yves Guerre, délégué national d’Arc-en-ciel Théâtre.

Pour toutes les associations agréées jeunesse et éducation populaire, la visibilité sur le budget 2009 est floue. « On entend dans les couloirs que l’on va subir de grosses pertes, mais pour le moment rien n’est officiel, constate Yves Guerre. On attend les votes du mois de janvier pour en savoir plus. » Benoît Mychak, le délégué général du Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (Cnajep), qui regroupe toutes les associations d’éducation populaire, conclut : « Notre travail paraît invisible, mais si nous disparaissons, le trou social sera béant. Les économies d’aujourd’hui feront les coûts sociaux de demain. »

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