« Riposte graduée » contre le téléchargement sur internet : ça vire au noir

Le projet de loi Internet et création (Hadopi), qui doit mettre en place la « riposte graduée », entame sa première lecture à l’Assemblée à partir d’aujourd’hui 4 mars. Mais cette solution anti-piratage sur internet à la française ne fait plus l’unanimité.

Christine Tréguier  et  Politis.fr  • 5 mars 2009 abonné·es

La Commission européenne, lassée par le lobbysme féroce de l’industrie, ne veut plus trop entendre parler du projet de loi instituant la « riposte graduée » pour contrer le téléchargement illégal sur internet. Certains pays comme l’Allemagne ou le Danemark se sont officiellement déclarés contre. En France, la majorité, qui jusqu’ici faisait bloc derrière la ministre de la Culture, laisse entrevoir quelques dissonances. A commencer par le blog de l’UMP. Sous un billet sondant les opinions sur les limites à la « culture gratuite », le site en ligne Numerama a relevé 114 commentaires (sur 124) explicitement opposés au projet de loi contre 8 seulement qui y sont favorables. Projet de loi « inadapté » , « injuste » et « injustifié » , les militants semblent plus convaincus de l’archaïsme des industriels que de l’efficacité de la loi à assurer une juste rémunération des auteurs.

Un rapport de la Commission générale des technologies de l’information, datant de cet été, avait alerté le gouvernement sur l’inadéquation du dispositif technique de pistage des pirates (via le repérage des adresses IP) : «les versions les plus récentes des clients P2P offrent des possibilités de dissimulation des adresses et des contenus » expliquait le rapport. Et de conclure que sauf à étudier avec les fournisseurs d’accès des solutions permettant de déjouer les tentatives des internautes « le mécanisme de désincitation deviendrait rapidement obsolète ». Et le coût de son fonctionnement une dépense inutile.

La vénérable ISOC (Internet Society France) a elle aussi publié un scénario de prospective allant dans le même sens. Elle y explique comment les « vrais » pirates pourraient pratiquement contourner la loi, et comment l’escalade technique pour parvenir à les sanctionner allait mener à un passage au crible de toutes les données échangées.

Le collectif la Quadrature du net souhaite rendre l’opposition à cette loi visible et a lancé une opération « black out ». Elle s’inspire de celle qui a eu lieu en janvier en Nouvelle Zélande où le ministre de la Culture a retiré son projet de loi. «Devant le ridicule d’un gouvernement qui s’entête à vouloir déconnecter du net des familles entières sans preuves valables ni procès, la Quadrature appelle les citoyens épris de liberté à procéder au « black-out » de leurs sites, blogs, profils, avatars, etc.» . Le collectif est d’autant plus en colère que la ministre a récemment annoncé son intention d’obliger les fournisseurs d’accès à limiter les accès wifi publics à une liste blanche de sites autorisés. Un internet quand tu veux, mais comme ils veulent.

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