De quels droits ?/Hadopi 2 : le grand n’importe quoi

Christine Tréguier  • 17 juillet 2009
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Le feuilleton Hadopi se poursuit. En juin, on s’en souvient,
le Conseil constitutionnel a censuré l’article permettant
à la Haute Autorité de procéder elle-même à la coupure d’accès Internet des personnes soupçonnées de téléchargement illégal. Estimant que l’accès au réseau est une modalité du droit fondamental à l’expression et à la communication,
le Conseil avait rappelé la nécessité d’un procès équitable pour les internautes, et exigé l’intervention d’un juge. Selon la loi publiée, les missions de l’Hadopi se résumaient à constater les infractions et à envoyer des avertissements. Mais le roi ayant affirmé à Versailles qu’il irait « jusqu’au bout » , il manquait un texte complémentaire pour définir le volet pénal. Un projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété intellectuelle et artistique sur Internet a donc été rédigé dans l’urgence et soumis à la seule Commission culture, éducation et communication. Il a été voté par le Sénat mercredi 8 juillet.

En guise de procès équitable, le texte prévoit
le recours au dispositif de l’ordonnance pénale en vigueur pour les contraventions routières. Il s’agit d’une forme simplifiée de jugement, pris par un magistrat unique sur la base des infractions constatées qui lui seront soumises par l’Hadopi. La procédure n’est pas contradictoire – la seule défense laissée au prévenu est de s’opposer à la décision a posteriori –, et aucune enquête judiciaire ne valide les preuves. Rappelons que ce sont des officines payées par les ayants droit, et non des officiers de police judiciaire, qui sont chargées de traquer et de communiquer ces preuves à l’autorité. La loi étend d’ailleurs leur capacité de surveillance aux « communications électroniques », ce qui inclut les échanges par mail. Le juge appliquera les sanctions prévues pour contrefaçon (jusqu’à 300 000 euros d’amendes et trois ans de prison), auxquelles vient s’ajouter une suspension d’accès (qui devra néanmoins être payé) d’un an.

La loi introduit également un délit de « négligence caractérisée » sanctionnant les internautes qui, avertis par l’Hadopi, n’auront pas installé de logiciel de sécurisation empêchant l’utilisation de leur accès par des tiers. Il est passible d’une contravention de 5e classe, soit 1 500 euros (rien que ça !) et/ou un mois de suspension d’accès. Problème : ledit logiciel n’existe pas encore, et il est annoncé comme propriétaire, autrement dit incompatible avec les ordinateurs tournant sous logiciels libres.
Seule petite satisfaction pour les opposants, un amendement permettant aux incriminés d’être entendus à leur demande par l’Hadopi, assistés d’un avocat.

Pour la sénatrice Verte Alima Boumediene-Thiéry, le texte présenté est pire que le précédent, «  un bricolage juridique qui n’a d’autre but que de sauver les meubles » . On s’est bien gardé, a-t-elle souligné, de le soumettre à l’avis de la Commission des lois, notoirement opposée à l’extension des ordonnances pénales.
Le Collectif la Quadrature du net qualifie pour sa part le projet
de loi de « stratagème du gouvernement réduisant les tribunaux
à de simples chambres d’enregistrement ».

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