Le mythe de l’abondance face à la réalité des violences urbaines

Face à la montée de la violence dans les établissements scolaires, la réponse des pouvoirs publics, reposant sur le renfort de l’arsenal répressif, fait apparaître une certaine incompréhension de la problématique spécifique aux jeunes en difficultés. Il devient urgent de dépasser la simple question sécuritaire pour orienter le débat public sur l’effacement de règles sociales, dans une société de consommation où l’abondance est élevée au rang de dogme.

Gérard Marty  • 20 juillet 2009 abonné·es
Le mythe de l’abondance face à la réalité des violences urbaines
© Gérard Marty est enseignant agrégé d'économie-gestion au lycée F. Chopin de Nancy, assesseur au tribunal pour enfants de Nancy et doctorant en sociologie.

Rappelons tout d’abord que notre économie a pour objectif de satisfaire, à partir de ressources rares, les besoins illimités des agents économiques. Par conséquent, la recherche du bien-être économique induit nécessairement un niveau de consommation supérieur. L’explosion des crédits à la consommation constitue à ce titre un bon révélateur de la contrainte de consommation imposée aux ménages par des firmes qui utilisent l’outil marketing pour susciter de nouveaux besoins.

Ainsi, notre société marchande a favorisé la poursuite d’une quête commune à l’ensemble des groupes sociaux : la consommation d’une quantité de biens et services toujours plus conséquente. A l’image des voyageurs, chaque ménage est tenu, sous peine d’être rapidement marginalisé, de posséder un « kit de survie » composé de biens et de services (portable, voiture, etc.) évoluant avec le niveau de consommation. Dès lors, le plus grand danger pour cette société réside dans la non-obtention d’un niveau de consommation suffisant chez les individus, susceptible de créer un manque à assouvir coûte que coûte.

Or, et les vols de lecteurs MP3 et de téléphones portables sont là pour le rappeler, l’urgence à satisfaire le besoin de consommation a pris le pas sur le contrôle opéré par les règles sociales. Telle la dépendance à une drogue dure, le manque insoutenable de consommer des biens et des services, plus particulièrement chez les jeunes générations, conduit un grand nombre d’individus à enfreindre les institutions formelles (lois, règlements) et informelles (règles morales).

La situation des quartiers difficiles constitue une parfaite illustration de ce constat social dans lequel l’escalade de la violence en direction de la police et des établissements scolaires s’explique en partie par l’exclusion du rêve consumériste. En pénétrant dans les collèges et lycées, les délinquants, au-delà des gains obtenus (vols, racket), manifestent leur rejet d’une institution, qui à travers leur échec scolaire, les a conduit à ne pas accéder à l’abondance.

Dès lors, il est légitime de penser que la menace d’une sanction supplémentaire ne permettra pas de solutionner ces actes délinquants. Les gouvernements pourront multiplier les législations, ils se heurteront à une opposition sociale dont l’origine se situe au cœur même de notre modèle de société, basé sur la consommation. Seule l’opposition à ce mythe pourrait réellement modifier notre mode de vie.

Malheureusement, cette remise en cause apparaît pour le moins compromise si l’on considère que l’objectif principal des politiques anti-crise est de retrouver la voie de la croissance, unique solution trouvée à ce jour à la problématique du progrès humain. Il semble que l’épisode de la crise économique actuelle ne remette en aucune façon en cause notre dépendance au chemin tracé par un système dans lequel l’abondance est, à tort, interprétée comme le synonyme du bien-être.

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