De quels droits ?/Zéro pointé

Christine Tréguier  • 3 septembre 2009 abonné·es

Franck Louvrier, éminence grise de la communication sarkozyenne qui a suivi son maître de Neuilly à l’Élysée, nous a gratifiés d’une surprenante tribune publiée dans le Monde du 21 août. Dans ce texte intitulé « Internet et son potentiel démocratique », le conseiller personnel ès médias de Sarkozy exalte le pouvoir mobilisateur et multiplicateur du réseau. Il assoit sa démonstration sur deux exemples, au demeurant peu comparables : la campagne électorale de Barack Obama et la crise qui a suivi l’élection douteuse d’Ahmadinejad en Iran. On se souvient de la place prise par le réseau de micro-blogging Twitter pour diffuser informations et images des manifestations interdites. « La mobilisation citoyenne sur les sites d’information et de partage mesure notre vitalité démocratique, écrit-il, c’est l’axe de la démocratie réelle. » On ne peut qu’acquiescer. « Du point de vue de l’État, inversement, la prétention à contrôler la diffusion des contenus sur Internet devient un étalon de la liberté démocratique » , poursuit-il. Mais la censure, selon lui, perdrait du terrain. On aimerait en être aussi sûr.

Puis Franck embraye sur l’autre qualité de Twitter, le caractère personnel des témoignages. « Dans le témoignage d’un citoyen iranien qui m’écrit des rues d’Ispahan, je reconnais le point de vue d’un autre moi-même qui n’est pas le dirigeant ou le journaliste, mais le citoyen que j’aurais pu être dans d’autres circonstances. C’est dans ce rapport à l’autre que se crée le lien démocratique, qui est un lien d’empathie et de partage. » On arrive au moment charnière de l’article. Car ce qui menacerait Twitter, plus que la censure, ce sont les fausses informations émanant de sbires de l’État se faisant passer pour des citoyens. C’est « la contrefaçon, la copie, en somme, le faux ». Entre le fait de contrefaire – feindre d’être ce qu’on n’est pas – et la contrefaçon – copie d’une œuvre sans l’accord de son auteur –, il n’y a qu’un pas que Franck franchit allègrement. Il est urgent de protéger l’authenticité des liens numériques et pour cela, affirme-t-il, la France est à l’avant-garde. « Plus que tout autre débat sur la planète, c’est le cas Hadopi qui pose aujourd’hui les questions auxquelles nos sociétés devront répondre demain sur le terrain de la démocratie. » Mais que vient donc faire l’Hadopi dans cette histoire ! Franck a son explication : « Il en va de même pour l’étudiant révolté des rues de Téhéran que pour l’artiste qui enregistre sa chanson à Paris : l’enjeu est de s’assurer que la vaste diffusion de son message n’étouffe jamais le lien qui l’unit à chacun de ses destinataires. » Et de conclure, lyrique : « Reconnaître le caractère inaliénable d’un témoignage personnel, tel est le sens profond de la réflexion en cours dans Hadopi, qui rayonne bien au-delà de l’industrie du disque, jusqu’au sens de notre vie en commun dans une démocratie. »

Franck Louvrier s’est acquitté de son devoir de rentrée : relancer le sujet Hadopi, dont le volet sanction n’a pu être bouclé par l’Assemblée avant les vacances. Et son parallèle fumeux mérite un beau zéro pointé.

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