De quels droits ? Faux journal, vrais enjeux

Christine Tréguier  • 1 octobre 2009 abonné·es

Alors que les préparatifs battaient leur plein à la veille de la réunion préparatoire de la conférence de Copenhague convoquée par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, les New-Yorkais ont eu la surprise de découvrir une édition peu ordinaire du New York Post. Un titre s’étale en une de ce tabloïd plus habitué au sensationnel sordide qu’aux enjeux planétaires : « On est baisés : ça vient ! » L’article qui suit explique que si rien n’est fait pour réduire les émissions de gaz à effets de serre, la Grosse Pomme va cuire.
« Les inondations sur les côtes vont augmenter. Les couloirs du métro, qui nécessitent déjà des pompages constants pour rester secs, seront beaucoup plus vulnérables à la montée des eaux due aux tempêtes. Les immeubles situés dans les parties basses de Manhattan seront également en danger. » Il évoque aussi la détérioration de la qualité de l’eau et la pollution des réservoirs. Dans un autre article, c’est le Pentagone qui s’émeut des risques liés aux catastrophes climatiques à venir. « Nous paierons pour réduire les gaz à effets de serre et nous devrons d’une manière ou d’une autre en payer le contrecoup économique. Sinon, nous en paierons le prix plus tard en termes militaires. Et cela impliquera des vies humaines. » Ce numéro très spécial évoque le sommet à venir de Copenhague, et envisage qu’il puisse être un Flopenhagen . Un petit papier révèle également que la Deutsche Bank, qui a érigé un « compteur de carbone » géant sur un immeuble de Manhattan, compte parmi ses clients des sociétés charbonnières et a récemment, elle aussi, décidé d’investir dans le business du charbon.

L’Amérique serait-elle, dans un soudain revirement, en train de prendre conscience de la réalité des problèmes ? Tout le monde aimerait y croire, les New-Yorkais les premiers. Pragmatiques, ils ne s’y sont cependant pas trompés. Certains ont reconnu dans ce vrai-faux journal la patte des Yes Men. Ce tandem d’artistes américains, connu pour ses usurpations d’identité et ses canulars visant les multinationales, avait déjà diffusé en novembre 2008 un faux New York Times annonçant la fin de la guerre en Irak. L’épisode est relaté dans un documentaire récemment diffusé sur Arte, Les Yes Men refont le monde. Mais les scénarios évoqués dans cette parodie du New York Post ne sont pas aussi élucubrés qu’il y paraît. La plupart s’appuient sur un rapport récent réalisé par un groupe de scientifiques à la demande de la mairie de New York. Celle-ci souhaitait déterminer les effets potentiels du changement climatique sur la ville. Le rapport, plutôt pessimiste et très peu promu, a été publié en février dans l’indifférence générale.

« Ça pourrait et ça devrait être un vrai New York Post » , a déclaré Andy Bichlbaum, un des deux Yes Men. « Le changement climatique est la plus grande menace qu’ait jamais affrontée la civilisation, ajoute-t-il, et il devrait faire la une de tous les journaux, tous les jours, jusqu’à ce que nous ayons trouvé une solution. »

Le faux New York Post en ligne

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