Courier des lecteurs 1082-1083

Politis  • 24 décembre 2009 abonné·es

Les problèmes de santé de Johnny Hallyday ont pris le pas, dans certains médias, sur des futilités comme la conférence sur le climat. Cette couverture a permis également de confirmer ce qu’on savait déjà : en dehors de la France, la star Johnny est inconnue ! On peut donc se demander si le fait d’être français, ce n’est pas tout simplement savoir qu’il existe un chanteur de variété s’appelant Johnny Hallyday…

Jean-Jacques Corrio, Les Pennes-Mirabeau (13)


« Pour Politis » rime avec 2010
_ Toute l’équipe de l’association Pour Politis adresse un grand merci à tous ses adhérent(e)s pour l’aide apportée lors des nombreux salons et manifestations en 2009 et pour le soutien indéfectible que vous portez au journal Politis. Meilleurs vœux et rendez-vous en 2010 !


Il faut sauver l’IUFM ! Un tel slogan pourrait laisser croire que son auteur est un provocateur. Comment est-il possible de défendre l’IUFM ? Tel écrivain ne l’a-t-il pas définitivement remis en cause, tel philosophe ne rappelle-t-il pas systématiquement que tous les maux de l’école ont pour origine la perte des savoirs, dont l’IUFM serait le grand thuriféraire ? La masterisation n’est-elle pas l’occasion rêvée d’achever ce grand corps malade ? Ou, pourrions-nous ajouter, ce très vieux corps malade ? Car enfin, si l’on considère que les IUFM ont été créés pour succéder aux écoles normales, il s’agit là d’un plus que centenaire…

Certes, l’âge est respectable, mais cela suffit-il pour continuer à le maintenir en vie comme un chef-d’œuvre sacralisé ? Au-delà de leurs vénérables murs, au-delà de leur histoire, les écoles normales avant, comme les IUFM aujourd’hui, constituaient un lieu unique où la République formait ceux de ses enfants qui se destinaient à la défendre par leur engagement dans l’instruction des élèves. Bien sûr que tout n’était pas parfait dans ces centres de formation. Qui le prétend ? L’Éducation nationale, pourtant si prompte à proposer des évaluations pour ses élèves ou pour les enseignants, aurait pu mener enquête. Car si tous les IUFM sont très dépendants des décisions ministérielles, chacun a son identité. Repérer ce qui marche ici, analyser ce qui ne marche pas là, aurait permis de faire progresser l’ensemble.

Aujourd’hui, des apprentis sorciers remettent en cause ce lieu de réflexion et de transmission, ce laboratoire de recherche, là où s’inventent de nouveaux outils, ceux qui aident à avancer. Car la pédagogie n’est pas une religion, et l’IUFM n’est pas son temple. La pédagogie n’est qu’un moyen trouvé par des hommes de bonne volonté afin d’aider celui qui souffre dans ses apprentissages… Ceux qui réfutent la pédagogie, ceux qui pensent qu’un enseignant n’est là que pour transmettre un savoir disciplinaire, sont pour que rien ne change. Ceux qui sont bien nés continueront à occuper les meilleurs postes, les autres pourront compter sur le RSA… L’ordre des choses ne sera pas bousculé.

D’un côté, on laissera nos jeunes enseignants, sans véritable formation, partir à l’abattoir ; de l’autre, on acceptera que nos enfants aient devant eux des personnes sans formation, alors même que ce métier est de plus en plus difficile. Ce n’est pas un symbole qu’on assassine, la mort des symboles n’empêche pas de vivre, mais en supprimant les IUFM, en supprimant le lieu de formation des futurs enseignants, c’est toute une vision de l’école, de notre société, de notre République que l’on assassine.

Didier Clech, maître formateur, Brest (29)


Rendez-vous à midi place de la Nation , vendredi 11 décembre. Nous sommes une centaine à attendre l’arrivée des cars qui nous emmèneront à Copenhague. Quelques journalistes, des packs d’eau et des pancartes. Les retardataires arrivés, les trois cars partent vers 15 h. La société parisienne à qui ils ont été loués a visiblement sous-traité. Les bus, délabrés, sont immatriculés en Roumanie, avec des chauffeurs ne parlant que très peu le français. Un couinement permanent nous berce tout au long des heures de trajet. L’ambiance est bon enfant, l’humour est au rendez-vous. Il en faut car le trajet est long… et les douaniers allemands en rajoutent. Le contrôle de notre car ne prend « que » quarante-cinq minutes. Mais le troisième est bloqué plus de trois heures.

Et entre 5 h et 8 h du matin, au réveil, il fait frais à poireauter dehors sans trop savoir ce qui se passe. Samedi midi, nous y voilà enfin ! Le car nous dépose à la gare entre le parc d’attraction et le Klimaforum. On s’habille chaudement, on déplie le drapeau, on sort les pancartes… Il est trop tard pour participer à la marée humaine organisée par les Amis de la Terre. Mais la grande manif doit commencer à 14 h. La place du Parlement est le point de départ ; dès 13 h, elle est pleine à craquer. Les organisateurs annoncent 100 000 personnes au départ de la manif. De nombreux Danois sont venus en famille. Ils défilent en vélo avec les enfants dans de petites carrioles. On remarque des délégations du monde entier, Argentine, Japon, Taïwan, Corée, Bangladesh, Sotteville-lès-Rouen…

Les pays du Sud sont peu représentés, coût des transports oblige. Le discours est très politique. Les banderoles réclament un autre monde, un changement de système, la fin du capitalisme. Les organisateurs ont distribué de nombreux panneaux « There is no planet B », « Climate not profit », « Bla-bla-bla… Act now ». La question de la justice et de la dette climatique est omniprésente. Cette manifestation mélange les organisations écolos comme le Réseau sortir du nucléaire ou Greenpeace, les autres ONG comme Oxfam et de nombreux courants du mouvement altermondialiste. On note la présence de Via Campesina et de la Confédération paysanne, de Solidaires, d’Attac, de No Borders, ou la FdGB (les métallos belges). Le cortège du NPA défile avec nos camarades du Red and Green Alliance (parti rouge et vert danois). Un ou deux drapeaux du PG et du PC. Les Verts de France ont oublié les drapeaux. Alors que le soleil s’apprête à se coucher (à 16 h), je retrouve enfin la dizaine de camarades Alternatifs venus en train.

Malgré les nombreux textos échangés, il y avait trop de monde pour se retrouver facilement. McDo est protégé par un long cordon de policiers. KFC, un peu plus loin, n’a droit qu’à quelques bleus… Non à la discrimination ! La manifestation est très cool et même les poulets danois semblent détendus. Les Black Blocks lancent quelques pétards et un ou deux pavés. Aucune dégradation. Pourtant, la police choisit la provocation. Elle entre d’un coup au milieu du cortège d’Attac et décide d’embarquer quelques centaines de personnes. En gros, un morceau du cortège, où les Black Blocks sont d’ailleurs peu présents. Histoire de faire monter la pression, on fait aboyer les chiens dans les camions de flics. La semaine précédente, une loi avait autorisé l’arrestation massive « préventive ». Quelle démocratie ! C’est beau comme du Sarkozy. Et les médias français insistent beaucoup plus sur ces arrestations que sur l’ampleur de la mobilisation et son contenu…

La manif touche à sa fin, nous n’avons bien sûr pas été autorisés à nous rendre jusqu’au Bella Center, lieu des négociations officielles en périphérie rurale de la ville. Il commence à faire froid. Nous manquons de temps pour profiter de la richesse de ce Klimaforum, participer aux débats, aux nombreuses actions. Le bus doit partir vers 20 h 30… Juste le temps de boire un café, de manger au Klimaforum, et on repart pour près de dix-huit heures de bus, direction Paris.

Benoît Hébert, les Alternatifs, conseiller municipal à Sotteville-lès-Rouen


(Mal) vivre près de Roissy . La région la plus urbanisée de France est également la région la plus survolée, du fait de l’inclusion en pleine agglomération de trois aéroports majeurs. Roissy-Charles-de-Gaulle peut être considéré comme un cas d’école de tout ce qu’il n’aurait pas fallu faire : des pistes orientées de telle sorte que la moitié ouest de l’agglomération, particulièrement urbanisée, est survolée en permanence ; des procédures d’atterrissage fantaisistes qui entraînent des survols à très basse altitude (900 mètres) sur des dizaines de kilomètres avant les pistes ; des survols nocturnes (160 par nuit) qui empêchent de dormir des populations dont les droits fondamentaux sont violés, et à qui on n’a jamais demandé leur avis sur la question ; hypertrophie de la plateforme, passée de 2 à 4 pistes […].

Les pouvoirs publics, devant la contestation organisée notamment pas les associations (Cirena, Advocnar, etc.), ont fait semblant de lâcher du lest : création d’une autorité de contrôle sans pouvoirs (l’Acnusa), pseudo-concertation dans le cadre d’une Commission consultative de l’environnement et, dernier gadget en date, l’élaboration d’une Charte de développement durable de Roissy.

Mais la volonté de l’État reste immuable : développer encore et toujours la plate-forme de Roissy, « pôle de croissance de premier rang, vitrine internationale de la France » (dixit le préfet de région). Le dernier plan d’exposition au bruit (PEB) de Roissy, adopté en 2007, concrétise ce souhait en créant une nouvelle zone de nuisances (Zone D du PEB) et en chiffrant une augmentation souhaitable du nombre des mouvements annuels de 540 000 aujourd’hui à un minimum de 680 000 dans les années à venir.

La position des pouvoirs publics, soutenue ouvertement ou plus discrètement par une majorité des élus d’Île-de-France n’est pas tenable. Le coût écologique du transport aérien est insupportable : les nuisances sonores et chimiques engendrées par le trafic […] dégradent la qualité de vie de millions de Franciliens, avec des conséquences sanitaires évidentes
– stress, troubles du sommeil, maladies cardiovasculaires, etc.

Les tenants du développement de Roissy et du trafic aérien privilégient l’argument économique : ce qui est bon pour Roissy est bon pour l’Île-de-France, porte de l’Europe et première région européenne. Roissy crée de l’emploi et de la richesse. Mais à quel prix ! Le développement de l’aérien promeut un modèle de société qui repose sur des coûts de transports réduits (ainsi le kérozène n’est pas taxé : Copenhague va-t-il modifier la donne ?), mais au coût environnemental et social très élevé : pollutions, tourisme de masse destructeur, etc.

Les coûts externes du fonctionnement d’un aéroport comme celui de Roissy doivent être pris en considération, ce qui n’est jamais le cas : dépenses de santé, dégradation de la qualité de vie, dévaluation du patrimoine, paupérisation de certaines villes. Le Nord-Ouest francilien est particulièrement touché : le PEB de Roissy affecte 127 communes. […]
Dans le cas, envisageable, d’une crise de l’industrie aérienne, la région, qui a développé une part importante de son économie autour de cette activité, sera sinistrée ; des milliers d’emplois seront détruits et le taux de chômage s’envolera.

Depuis plusieurs années, les associations franciliennes de défense contre les nuisances aériennes générées par le trafic de Roissy émettent des propositions : établissement immédiat d’un couvre-feu de huit heures d’affilée sur l’aéroport de Roissy (c’est déjà le cas à Orly) ; rehaussement immédiat des altitudes de survols des zones urbanisées et modification des procédures d’approche […] ; plafonnement du nombre de mouvements à 500 000.

Une partie importante du trafic de Roissy est constituée de vols de transit et de fret. Il n’y a aucune justification pour que ces activités se fassent aux portes de la région la plus urbanisée de France. Plus Roissy se développe, plus il est difficile de mettre un frein à son développement. Il faut donc le faire maintenant, en transférant une partie des activités de Roissy à Vatry, en développant le fret ferroviaire, etc.
Les élections régionales de 2010 vont permettre aux populations sinistrées de s’exprimer en votant pour les listes qui se seront engagées à mettre en œuvre les propositions des associations si elles se retrouvent en position de diriger la région.

Jean-François Michel, président du Cirena, Conflans


Mille bravos pour le courrier de Francis Palares Aran intitulé « Allez, allez », paru dans le n° 1080 de Politis. Oui, partout et toujours, à bas toutes les patries mères abusives, dévoreuses d’hommes.
Solange Hervé, petite-fille d’un homme abattu sur le front
en 1915 pour insoumission.

Courrier des lecteurs
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