Des malades à l’assaut de leur maladie

Un Livre blanc détaille les revendications et propositions des personnes atteintes par la maladie
de Parkinson, décidées à lutter collectivement pour faire connaître leur pathologie et reconnaître leurs droits.

Olivier Doubre  • 22 avril 2010 abonné·es
Des malades à l’assaut de leur maladie
© PHOTO : SORIANO/AFP

Se mobiliser en étant physiquement et parfois moralement diminué n’est pas une démarche évidente. C’est pourtant souvent le premier pas, chez nombre de personnes atteintes de maladies invalidantes ou chroniques, pour recouvrer une certaine dignité et estime de soi. S’engager dans une lutte collective pour améliorer leur prise en charge et la reconnaissance de leurs droits peut aussi stimuler le combat individuel de ces citoyens, auparavant isolé, contre leur maladie. Si la lutte contre le sida a été pionnière en la matière à partir des années 1980, on observe aujourd’hui que d’autres groupes de malades font leur cette démarche de mobilisation collective.

Ce n’était pas encore le cas des personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Maladie « mal connue », à l’image « au mieux incomplète, au pire déformée » , Parkinson fait peur et ne suscite que rarement l’intérêt des médias et de l’opinion publique. C’est le constat qu’ont fait Bruno Favier et Danielle Vilchien, respectivement président et militante de l’association France Parkinson (FP), eux-mêmes atteints par la maladie, lors des premiers états généraux des personnes touchées par cette maladie, organisée lundi 12 avril à la Mutualité, à Paris, dans le cadre de la Journée mondiale de la maladie de Parkinson.

France Parkinson, la principale association de malades implantée sur tout le territoire [^2], décidée à en finir avec cette vision erronée d’une maladie qui touche au minimum 150 000 personnes en France, a en effet choisi de s’engager dans une lutte au long cours. Avec comme premier objectif de « changer l’image de la maladie et ses représentations sociales » . Plus immédiat, l’autre but de la mobilisation était de donner la parole aux personnes atteintes et à leurs proches. Environ 2 500 personnes s’en sont emparées, au cours des douze derniers mois, lors de séances collectives organisées dans le cadre de ces états généraux, dont la première phase (en régions) devait enregistrer les « coups de gueule » et les « points d’alerte » des personnes malades et de leurs proches. Ceux-ci ont donc écrit, parlé, échangé, raconté leurs expériences et difficultés. Au cours de la deuxième phase, les recommandations énoncées par les malades ont été soumises aux experts, professionnels de santé ou chercheurs en santé publique. Enfin, l’association a rédigé un Livre blanc où sont rassemblées une centaine de propositions d’actions, organisées autour de quatre grands thèmes : outre le développement de la recherche médicale, il s’agit d’abord de « sortir la maladie de l’ombre », d’impliquer les politiques dans la lutte contre la maladie, de développer une stratégie de communication et, surtout, d’inciter les associations de malades à adopter « un comportement offensif » en direction de l’opinion, du corps médical et des décideurs publics.

Ce désir était palpable dans la salle de la Mutualité. À la tribune, Danielle Vilchien s’est taillé un franc succès en déclarant devant la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot : « Certes, notre maladie est invalidante, mais, diminués, nous avons pourtant toute notre tête. On en a marre d’être mis à l’écart de la société et du monde du travail. On en a marre d’être réduits à Parkinson et d’être considérés comme des petits vieux qui sucrent les fraises ! »
Contrairement à une croyance tenace, cette maladie ne concerne pas seulement les personnes âgées : 40 % des malades ont moins de 60 ans et, de plus en plus, des quarantenaires en sont atteints. Et elle ne se réduit pas aux fameux tremblements, dont beaucoup pensent qu’ils sont le seul symptôme de Parkinson : comme le montre un sondage réalisé pour le Livre blanc, alors que 84 % du grand public ­pensent que les tremblements sont la principale difficulté des personnes atteintes, seuls 16 % des malades partagent ce point de vue et soulignent plutôt les problèmes rencontrés pour se mouvoir, pour écrire, en matière d’élocution, sans compter la fatigue et les douleurs. Aussi, l’intervention de Danielle Vilchien s’est articulée autour de deux lignes directrices : connaissance et reconnaissance.

Car beaucoup reste à faire, aussi bien en termes d’image que de recherche sur la maladie et de soutien aux malades et aux « aidants », c’est-à-dire les proches qui soutiennent (souvent au sens premier du terme) les personnes entravées dans leurs ­mouvements par ce déficit de dopamine dans le cerveau, cause de la pathologie. De la création d’une ligne téléphonique ad hoc à celle d’un centre d’information nationale épidémiologique, de la reconnaissance de la gravité de la maladie pour l’obtention rapide de l’aide médicale à domicile à la création de réseaux et de pôles régionaux de référence, toutes ces revendications ont été patiemment listées dans le document remis à la ministre. Les personnes touchées par Parkinson ont bien l’intention de combler leur retard par rapport à d’autres pathologies mieux connues, alors que leur affection est la deuxième maladie handicapante chez l’adulte en France après Alzheimer.

Face à cette volonté, Roselyne Bachelot a bien entendu acquiescé, sans pour autant faire de réelles propositions. Tandis que le Livre blanc appelle à la mise en œuvre d’un « Plan national » Parkinson, la ministre a seulement promis la constitution d’un « groupe de travail » spécifique à la direction générale de la Santé, affirmant que sa loi Hôpital, patients, santé et territoires et la création des Agences régionales de santé constituent des « outils » pour développer et améliorer la prise en charge des parkinsoniens. Quant à la demande d’un « statut de l’aidant », elle s’est contentée de renvoyer à un « travail en cours » en collaboration avec le secrétariat d’État à la Famille de sa collègue Nadine Morano… Les personnes atteintes par la maladie de Parkinson devront continuer de se mobiliser pour réussir à obtenir ce qu’elles demandent. Elles ont en tout cas promis de suivre désormais de près les dossiers. Et se sont donné ­rendez-vous dans dix-huit mois pour faire un premier bilan des actions engagées.

[^2]: . Une permanence téléphonique est ouverte tous les jeudis de 10 h à 12 h et de 14 h à 16 h au 01 45 20 22 20. Le Libre blanc est disponible auprès de l’association ou via son site, au prix de 10 euros.

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