Les mères voilées bientôt exclues des sorties scolaires ?

Dans un débat jusqu’ici arbitré par les chefs d’établissements, Luc Chatel vient de se prononcer pour l’exclusion des mères qui portent le foulard lors des sorties scolaires.

Erwan Manac'h  • 7 mars 2011
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Les mères voilées bientôt exclues des sorties scolaires ?

En déplacement à Marseille, jeudi 3 mars, Luc Chatel a voulu trancher une des nombreuses questions soulevées par le nauséabond débat sur le voile, qui avait précédé le vote d’une loi sur les signes religieux en 2004 : « Lorsqu’on est parent d’élève et qu’on participe à une sortie scolaire, (…) on est assimilé à des personnels occasionnels de l’Éducation nationale » , a déclaré le ministre de l’Education à l’AFP. L’interdiction de porter le foulard est donc pour lui « non négociable » pour les mères accompagnatrices.

Cette prise de position fait écho à un conflit qui opposait la direction d’une école de Pantin en Seine-Saint-Denis et des mères voilées qui n’étaient plus autorisées à porter le foulard lors des sorties scolaires.

Jusqu’à présent, pourtant, il revenait aux chefs d’établissements de fixer leurs propres règles. Xavier Darcos, prédécesseur de M. Chatel, avait plaidé en 2008 pour une gestion au cas par cas, avec une priorité au « bon fonctionnement du service ».

En mai 2007, la Haute autorité de lutte contre les discriminations (qui vit ses derniers jours en tant qu’organe indépendant) avait estimé que l’exclusion des mères voilées constituait un cas de « discrimination fondée sur la religion » , sauf en cas « de pression ou de prosélytisme » .

Coincée entre la lutte contre les discriminations et l’interdiction des « signes ostentatoires » prévue par la loi de 2004, la Halde a d’ailleurs ouvert un cycle de débats dans toute la France sur le voile et les risques de discrimination.

« Je ne vais pas regarder si la mère porte un string ou des bas en nylon… »

Le flou demeure même au niveau juridique, car le dernier texte en vigueur sur le sujet est une circulaire, datant de mai 2004, qui précisait que les parents d’élèves n’étaient pas concernés par la loi sur les signes religieux à l’école.

« Luc Chatel donne son point de vue personnel, il manipule une affaire alors qu’il y a plein d’écoles où les mères peuvent accompagner les sorties sans problème » , peste Michel Hervieu. Le président de la fédération FCPE en Seine-Saint-Denis dénonce une sortie à but médiatique en période électorale.

« On crée une polémique autour de mères qui s’investissent et qui viennent dans l’école alors qu’on parle d’un autre côté d’absentéisme scolaire, de démission des parents. Et puis le principe de laïcité c’est aussi le droit à la différence, je ne vais pas regarder si la mère porte un string ou des bas en nylon… »

Le collectif des musulmans de France dénonce de son côté une nouvelle attaque, « irrationnelle » et « dangereuse » envers les musulmans : « C’est une course à l’extrême droite, Marine le Pen est en tête et tout le monde veut jouer sur son terrain, peste Abdelaziz Chaambi, contacté par Politis.fr. L’islam est devenu un défouloir pour la classe politique et ça devient absurde. J’appréhende l’avenir si ces débats scandaleux continuent. Un jour à force d’être constamment amalgamé les musulmans vous réagir violemment. »

S’il veut mettre en application sa position, le ministre de l’Education devra rédiger une circulaire ou un décret. Interrogés jeudi par l’AFP, les services de Luc Chatel ont expliqué qu’il fallait « voir maintenant comment nous diffusons cette information » . Ce lundi, le ministère précise désormais qu’aucun texte ne serait produit.

La controverse devrait donc doucement retomber avant d’être réouverte dans le cadre du «débat sur la laïcité» que souhaitent ouvrir Nicolas Sarkozy et la tendance la plus droitière de l’UMP. Jean-François Copé, secrétaire général du parti, a en effet déclaré le 3 mars que ce type de «questions concrètes» seraient abordées lors du débat, largement controversé au sein même de l’UMP. «Pour les mamans qui encadrent les sorties scolaires , a précisé l’ex-avocat d’affaires, je soutiens totalement le ministre de l’Éducation» .

-Ajout, mardi 8/03/11 à 14 h 45 :

Le ministère de l’Éducation a finalement fait savoir qu’il faudrait « assez rapidement » « compléter la circulaire » du 18 mai 2004 qui définissait les contours de la loi sur les signes religieux.

Cité par l’agence de presse AEF, le cabinet du ministre explique qu’il s’agit « de prendre en compte la situation des parents (…) accompagnateurs de sorties scolaires qui, avec les personnels de l’Éducation nationale, participent ainsi directement au service public ».

Société
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