Risque nucléaire au Japon : la pire des catastrophes est à craindre

Après deux nouvelles explosions d’une centrale nucléaire japonaise lundi matin, trois réacteurs présentent des risques de fusion de leur cœur. Des dégagements radioactifs sont déjà constatés sur le terrain. En France, les associations croisent les doigts et les politiques relancent le débat autour du nucléaire.

Erwan Manac'h  • 14 mars 2011
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Risque nucléaire au Japon : la pire des catastrophes est à craindre
© Photo : JAPAN OUT AFP PHOTO / HO / NHK

« Nous sommes confrontés à une situation d’alerte absolue, plusieurs catastrophes nucléaires menacent. »

Le directeur du réseau Sortir du nucléaire, Philippe Brousse, est pour le moins alarmiste.

Après les deux nouvelles explosions qui ont déchiré lundi matin l’enceinte du réacteur 3 de la centrale Fukushima n°1, le pire est à craindre. D’autant que la situation s’aggrave désormais sur trois réacteurs.

Une première explosion avait déjà eu lieu dans cette centrale comptant six réacteurs nucléaires, secoués coup sur coup vendredi par un tremblement de terre d’une puissance inouïe et un violent tsunami.

Les systèmes de refroidissement sont tombés en panne ; pour éviter que les réacteurs ne fondent et que le cœur des réacteurs n’entre en fusion (le pire scénario), des vannes ont été ouvertes pour faire baisser la pression en libérant de la vapeur d’eau (radioactive) dans l’enceinte hermétique qui entoure le réacteur.

Ce sont ces accumulations d’hydrogène et de vapeur d’eau dans le bâtiment d’enceinte du réacteur qui ont causé les trois explosions du week-end dans cette centrale située à 250 km au nord de Tokyo.
«  Le bâtiment du réacteur a explosé mais l’enceinte de sécurité n’a pas été endommagée » , tentait de rassurer l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) lundi matin.

On peut désormais s’attendre à une quatrième explosion du même type dans le réacteur 2 puisque le système de refroidissement de ce réacteur était en panne lundi matin. Les trappes ont été ouvertes et les barres de combustible nucléaire de ce réacteur sont désormais entièrement à l’air libre pour faire baisser la pression au plus vite. D’après l’agence d’information japonaise Jiji, « une fusion au cœur du réacteur 2 ne peut être exclue ».

Une autre centrale située à 120 km de Tokyo fait parler d’elle à son tour. C’est de nouveau le système de refroidissement qui concentre les inquiétudes dans la centrale de Tokai. Une pompe a cessé de fonctionner.

« Un risque de fusion totale du cœur des réacteurs »

Les autorités japonaises veulent rester rassurantes, parlant d’un « faible » risque de fuites radioactives dans la centrale de Fukushima. «Il n’y a absolument aucune possibilité d’un nouveau Tchernobyl» , a déclaré Koichiro Genba, le ministre de la Stratégie nationale, rapportant les déclarations de L’Agence de sûreté nucléaire japonaise.

Mais la situation est hors de contrôle : « Les Japonais tentent de refroidir les réacteurs avec de l’eau de mer. Ce sont des méthodes dérisoires, qui ne garantissent absolument pas qu’on évitera le pire » , s’inquiète Philippe Brousse du réseau Sortir du nucléaire.

Les nuages libérés par les trois explosions sont bien radioactifs : les radiations détectées samedi (avant les deux explosions survenues ce matin) étaient de 1 015 mSv [^2] par heure tandis que la limite recommandée pour un ouvrier du secteur est de 100 mSv par mois.

Le pire est encore à craindre, car les réacteurs n’ont plus de système de refroidissement : « Progressivement tous les réacteurs touchés entrent dans un processus de début de fusion, avec un risque de fusion totale du cœur de ces réacteurs. Cela formerait une espèce de magma que rien ne peut arrêter et un immense nuage radioactif » , s’alarmait lundi Sophia Majnoni, en charge de la question nucléaire à Greenpeace France, dans l’entretien qu’elle nous a accordé. « Nous sommes très proches d’une réelle catastrophe , insiste Philippe Brousse. La situation est ingérable, nous n’avons plus qu’à croiser les doigts. »

Le débat réouvert

En France, où l’électricité nucléaire représente 78 % de la consommation électrique nationale, le débat a été réouvert ce week-end.

Pour Éric Besson, Fukushima est « un accident grave, mais pas une catastrophe nucléaire » . « On est loin de Tchernobyl » , a dit le ministre de l’Industrie sur France Inter ce matin.

Cécile Duflot, secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts, a de son côté vigoureusement dénoncé la position du gouvernement. « On est dans une situation où personne ne sait comment ça va se terminer, ni M. Besson, ni tous ceux qui ont des paroles lénifiantes ».

« Il faut sortir du nucléaire, bien sûr » , tranche la responsable écologiste, rappelant la revendication d’Europe Écologie-Les Verts d’un référendum sur l’énergie nucléaire en France, tout comme l’a fait Daniel Cohn-Bendit qui a voulu « tirer la sonnette d’alarme ».

La ministre de l’Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet a elle assuré lundi sur Europe 1 que les centrales françaises étaient préparées à faire face aux catastrophes naturelles les plus graves…


*À lire dans le prochain Politis : « Peut-on sortir du nucléaire ? », une série d’articles pour répondre aux questions relancées par le séisme au Japon.

En kiosque jeudi 17 mars et sur Politis.fr*


Sur la carte, Fukushima :



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[^2]: mSv : milliSiervert

Écologie
Temps de lecture : 4 minutes
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