Trop tard pour renoncer, Eva Joly dépose ses parrainages

Dans l’embarras, des cadres d’Europe Ecologie – Les Verts devaient remettre jeudi en fin d’après-midi les 500 parrainages qui officialisent la candidature d’Eva Joly. Le mouvement écologiste est dans une impasse sans précédent.

Erwan Manac'h  • 15 mars 2012
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Trop tard pour renoncer, Eva Joly dépose ses parrainages
© Photo : AFP / Bertrand Guay

Les spéculations ont duré jusqu’à la dernière minute. Ce jeudi peu après 17h30, Eva Joly et une poignée de dirigeants écologistes devaient remettre officiellement les 500 parrainages qui inscriront définitivement la candidature d’EELV à l’élection présidentielle. Une manière de mettre fin aux rumeurs de retrait, qui courraient encore jeudi matin tandis qu’un sondage (CSA-BFM-RMC-20 Minutes) la plaçait à 1% d’intention de vote. ** « Il est trop tard pour renoncer », tranche Noël Mamère, par qui était venue deux jours plus tôt la panique. Mardi, le député vert, coprésident du « Conseil stratégique de campagne » d’Eva Joly s’était interrogé, sur Vivre FM, une radio spécialisée dans le handicap  :

« Quel est vraiment l’intérêt que nous avons à être présents à l’élection présidentielle si, d’une part, nous restons encalminés dans ces sondages qui ne sont pas bons – il faut le reconnaître et le dire – et si en restant dans la compétition, nous contribuerions à affaiblir le candidat du PS ».

« C’était une interrogation face à une situation de crise dont on n’arrive pas à se sortir », explique le maire de Bègles à Politis.fr. Car sur le terrain, la faiblesse de la candidature écologiste compromet même l’accord PS-EELV, conclut le 15 novembre, qui laissait le champ libre aux Verts dans plus de 60 circonscriptions pour les législatives[^2]. Des candidats socialistes dissidents se sont maintenus dans plusieurs circonscriptions, comme à Lyon (1er circonscription du Rhône), où Philippe Meirieu (EELV) devra finalement affronter Thierry Braillard, dauphin du maire socialiste Gérard Collomb. Comment imaginer aussi que l’accord ne soit pas détricoté suite à une débâcle annoncée le 22 avril prochain, alors que le Front de gauche s’est fait une place d’incontournable à gauche.

Franchise

Coincé par cet accord qui vidait la candidature de toute substance, l’équipe d’Eva Joly a dû une énième fois réaffirmer sa « détermination » à maintenir une candidature écologiste autonome. « C’est complètement stupide d’envisager un retrait maintenant , dénonce Julien Bayou, conseiller régional EELV et directeur de la communication d’Eva Joly, joint par téléphone. Il n’en a d’ailleurs jamais été question. »

Avec son tact légendaire, la secrétaire nationale du parti, Cécile Duflot, leur a emboité le pas, sur Twitter, en s’adressant à Jean-François Achilli, chef du service politique de France Inter, écornant au passage Noël Mamère :

Non, c’est définitif, on ne me prend pas la tête au petit-dej pour des débilitudes manipulatoires inventées 😉 -> tout faux @JFAchilli? Cécile Duflot (@CecileDuflot) Mars 13, 2012

« Il n’y a pas de déchirure, affirme pourtant Noël Mamère. On me reproche peut-être d’être solitaire mais j’assume pleinement ma franchise. Nous sommes dans une grande difficulté. » Comme les autres, il prêche désormais pour « faire front collectivement » aux côtés d’une candidate « courageuse » et balaye l’hypothèse d’un retrait.

Préparer l’après-présidentielle

La presse évoque pourtant des réunions de crise entre les cadres écologistes et les eurodéputées. Marianne affirmait même jeudi midi qu’une réunion d’urgence du « conseil stratégique » de la candidature serait convoquée demain, vendredi 16 mars, pour discuter de l’éventualité d’un retrait. « C’est une réunion pour calmer des tensions qui se font jour » , répond Noël Mamère qui n’assistera pas, en raison de ses responsabilités locales, à ladite réunion.

Il s’agit surtout de tenter de dégager une stratégie d’après-présidentielle, dans l’ambiance moribonde des dernières semaines de campagne. EELV doit limiter la casse pour les législatives et se préparer à assumer la gestion d’un groupe vert à l’Assemblée et la participation au gouvernement en cas de victoire de la gauche.

En attendant, les cadres veulent « faire front » , au moins en apparence. Daniel Cohn-Bendit a fait le métier, mercredi soir, aux côtés de la candidate, en meeting au Palais des fêtes de Strasbourg. Ravalant les doutes exprimés en début de campagne et sa franche opposition aux choix d’EELV contre le Mécanisme européen de stabilité (lire notre article), il a « sincèrement remercié Eva d’avoir pris sur elle d’être candidate » .

Car la candidate prend beaucoup de coups, y compris de son propre camp. « Il faut maintenant que chacun assume collectivement ce qui se passe », demande Noël Mamère.

[^2]: Accord validé à 74% par le conseil fédéral d’Europe Ecologie-Les Verts. Les verts ont actuellement 4 députés à l’Assemblée.

Politique
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