Non, le Front national n’a pas changé

Pour son dernier meeting de campagne, mardi 17 avril à Paris, Marine Le Pen a prononcé un discours virulent contre l’immigration dans une salle du Zénith pleine et chauffée à blanc. Reportage.

Erwan Manac'h  • 18 avril 2012
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Non, le Front national n’a pas changé
© Photo : AFP / Martin Bureau

Illustration - Non, le Front national n’a pas changé

À chaque harangue de la candidate, le Zénith gronde d’une clameur enthousiaste et bruyante. Mardi 17 avril, 6 000 militants frontistes venus de toute la France ont assisté au dernier meeting de campagne de Marine Le Pen dans une ambiance survoltée.

Après une courte introduction de Paul-Marie Coûteaux contre les « soixante-huitards attardés qui ont conquis tous les pouvoirs » et les « bobos de la petite droite » , Gilbert Collard, président du comité de soutien à la candidate du FN, a achevé de chauffer une salle pleine à craquer en insistant sur « la seule question qui vaut la peine d’être posée : la place de la France » .

« Plus de franco-algériens comme Mohamed Merah »

Dans un discours d’une heure et demi, la candidate du Front national en est d’ailleurs très vite venue à la nation, passant sans trop s’attarder sur le social et la crise économique. Elle décline un à un, pour mieux les faire conspuer par la foule, les « adversaires » de la France, cette « civilisation qui décline » . Nicolas Sarkozy pour son bilan « cauchemardesque » , le Parti socialiste parce qu’il défend le droit de vote des étrangers et – plus longuement – l’Europe « qui fait disparaitre nos acquis sociaux » … Elle s’en prend enfin et surtout au « mondialisme et à l’immigration de masse » qui menacent « l’égalité des Français ».

« Plus d’immigration, c’est égal à plus de chômage, à plus d’insécurité, à plus de dette » , ajoute Marine Le Pen dans une ferveur qui s’amplifie. « Nous ne sommes pas xénophobes, nous sommes passionnément francophiles » , enchaîne-t-elle avant d’être interrompue par la clameur qui grossit, du haut des gradins, jusqu’à enflammer la salle tout entière : « On est chez nous ! »

Ecouter le son :

« Parce que vous êtes chez vous, vous avez le droit de ne plus vouloir de franco-algériens comme ce Mohammed Merah, [… inaudible]. De vouloir des Français amoureux de leurs drapeaux, fiers de leur pays » .

L’oratrice maintient ce ton accusateur et se pose en candidate « de la priorité nationale » , pour clôturer son discours sur un appel : « Faites vous entendre, criez votre colère, bougez-vous ! »

« Il faut être beaucoup plus ferme avec les immigrés»

Dans les travées du Zénith bondées, grâce aux cars affrétés de toute la France, des militants de longue date se disent satisfait du vent « nouveau » qui souffle sur le Front national depuis l’arrivée Marine Le Pen. « Son père a été trop direct à propos du racisme et des immigrés » , analyse Jean, un ancien mineur à la retraite. « Il était rude sur certains propos, Marine est plus souple » , se félicite aussi Jacques, retraité de 65 ans venu de Metz. Après 23 ans d’engagement avec le Front national, cet ancien représentant qui se dit « nationaliste » , veut croire au renouveau d’un parti qui a su démontrer, dit-il, qu’il n’était pas xénophobe.

La tenue d'un meeting du Front national à Paris était aussi une occasion pour les réseaux antiracistes de se retrouver. Le syndicat étudiant Unef a ouvert le bal peu après 17h sur la place de la Bastille, où il donnait un concert « contre le racisme ». À quelques stations de métro de là, à la Rotonde de Stalingrad, le NPA, Sud-Etudiant, la Fédération anarchiste et la CNT entre autres s'étaient donnés rendez-vous. Entre 200 et 300 personnes dénonçaient la « dédiabolisation » de façade du Front national, « qui a fait sauter presque tous les cordons sanitaires autour » du parti.
« C’est une campagne difficile, tout se bouscule » , concède-t-il pourtant, « en plus il y a l’autre fouteur de merde »« Mélenchon est un traître de la nation, il collabore avec des islamistes » , interrompt sans ménagement Stanislas, un Polonais de 44 ans arrivé en France il y a dix ans. Cet agent de sécurité à Metz dit avoir rejoint le Front national il y a trois ans « pour combattre l’islamisation » de la France : « Sarkozy nous a trahi , s’agace-t-il, nous pensions qu’il allait « karchériser » tout ça, mais il a seulement mis des radars de partout [sur les routes] au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes. Il faut être beaucoup plus ferme avec les immigrés, il y a beaucoup trop de fraudeurs » , ajoute le quadragénaire, qui ne pourra pas voter dimanche.

Alors, prévient-il au bout d’une courte discussion, « on essaie avec Marine la solution pacifique, mais un jour il sera peut-être nécessaire de créer une milice de citoyens et une réponse armée. »

À la buvette du Zénith, la direction du parti a d’ailleurs fait interdire la vente d’alcool pour prévenir tout risque de débordements. « Il paraît que ce n’est pas un public à bière » , lance le barman dépité.

  • Images du meeting, côté auditoire.
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