Notre-Dame-des-Landes : le malaise grandit à EELV

Acteurs historiques de la lutte contre les « grands projets inutiles » et l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, les écologistes s’enlisent à nouveau dans leurs contradictions avec le gouvernement auquel ils participent.

Erwan Manac'h  • 27 novembre 2012
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Notre-Dame-des-Landes : le malaise grandit à EELV
© Photo : AFP / Jean-Baptiste Evrard

Ils pensaient avoir fait le plus dur au sein du gouvernement socialiste en endurant l’adoption du pacte budgétaire européen en octobre et le virage libéral du début novembre. Mais voilà que les écologistes s’enlisent à nouveau dans leurs contradictions. Opposants de longue date à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes – et aux « grands projets inutiles » —, ils doivent répondre de l’autisme et du durcissement du gouvernement auquel ils participent.

Le malaise est réel

Les élus écologistes ont énergiquement réaffirmé, mardi matin en conférence de presse, leur opposition au projet d’aéroport, qualifié d’ « irrationnel », « délirant » et de « véritable gabegie financière et environnementale » . Ils affichent aussi une critique franche et unanime du recours à la force. La question de leur retrait du gouvernement, malgré le durcissement du rapport de forces ce week-end, reste en revanche officiellement écartée.

« Personne ne remet en cause notre participation au gouvernement » , se rassurait dimanche Pascal Canfin, ministre délégué chargé du Développement en répétant que « les conditions politiques du dialogue sont de nouveau réunies grâce à la décision du gouvernement ».

Pourtant, le malaise est réel au sein de la famille écologiste. Vendredi 23 novembre, le secrétaire national du parti, Pascal Durand, était copieusement hué par les opposants à l’aéroport auxquels il s’était joint devant l’Assemblée nationale, alors qu’il prenait la parole. « Cela m’attriste », réagit ce mardi Karima Delli, députée européenne EELV contactée par Politis . « Nous sommes présents depuis le début de la lutte, les habitants de Notre-Dame-des-Landes doivent comprendre que nous sommes avec eux ».

« Il y a des lignes rouges à ne pas franchir »

Eva Joly et José Bové, le 16 novembre à Notre-Dame-des-Landes - AFP / JEAN-FRANCOIS MONIER

Les désaveux s’accumulent aussi au sein même des rangs écologistes. Début novembre, c’est Jean-Vincent Placé, président du groupe écologiste au Sénat, qui exprimait sa « perplexité » sur la présence des écologistes au gouvernement, après les annonces gouvernementales découlant du rapport Gallois. Noël Mamère, enfonçait le clou vendredi 23 novembre dans une tribune au journal Le Monde  : « Le piège se referme chaque jour un peu plus sur nous », pointait le députe de Bègles.

En guise de réponse, les cadres d’EELV prêchent la constance. « Les divergences, les difficultés du gouvernement face aux questions écologiques, nous les connaissons » , concède Jean-Philippe Magnen, porte-parole d’EELV et vice-président de la région Pays-de-la Loire, contacté mardi par téléphone. « Mais notre position au sein du gouvernement est légitime ». « L’émotion » suscitée dans les rangs d’EELV par le durcissement récent de la répression des opposants à l’aéroport n’invalide donc pas la stratégie écologiste.

« Ce que j’ai écrit n’a pas l’air d’avoir fait bouger mes amis, regrette mardi Noël Mamère, à Politis . Je ne plaide pas pour une sortie du gouvernement, je dis qu’il faut que nous continuions à nous exprimer librement, y compris nos ministres, et qu’on analyse les choses en termes de coût/bénéfice : partir maintenant c’est mourir un peu. Attendre, c’est risquer de partir avec les plumes et le goudron ».

« Il y a des lignes rouges à ne pas franchir , lance à son tour Karima Delli. Je refuse qu’on expulse les bâtisseurs d’utopies concrètes. [Les opposants à l’aéroport] construisent les utopies de demain. Nous ne pourrons pas rester dans la majorité si le rapport de forces continue » . Pour l’élue, le clivage sur le dossier Notre-Dame-des-Landes est plus profond qu’il n’en a l’air. « Nous devons changer de cap, prendre un virage , se désole-t-elle. C’est maintenant qu’il faut y aller, en s’appuyant sur le rassemblement populaire. On ne pourra pas construire l’avenir sans cet élan. »

Dans une lettre adressée lundi 26 novembre au Président Hollande, Pascal Durand demande que le dossier Notre-Dame-des-Landes soit évoquer en marge du rendez-vous prévu mercredi à l’Élysée dans le cadre de la consultation sur les propositions Jospin : « À l’évidence, aucun débat républicain serein, a fortiori au sein de la majorité, ne saurait se dérouler dans un tel climat, susceptible de dégénérer à tout instant » , estime le secrétaire général d’EELV.
### «Nous ferons le bilan au printemps»

Au rythme des sorties fracassantes et des demi-aveux, EELV semble désormais ne plus considérer absurde l’idée d’un départ du gouvernement. « Nous ferons à la fin du printemps un bilan sur tous ces dossiers d’infrastructure, de fiscalité écologique et de transition énergétique, et nous déciderons si notre présence au gouvernement fait sens ou pas », prévoit Yannick Jadot mardi après-midi, dans une discussion avec les lecteurs de liberation.fr.

Jean-Philippe Magnen se projette quant à lui jusqu’aux discussions du budget 2014. Il s’agit donc de mener un dernier combat au sein de la majorité, en particulier autour du « débat national sur la transition énergétique » qui doit aboutir à un texte de loi en juin 2013, d’après le calendrier fixé par la ministre de l’Écologie, Delphine Batho.

Pour l’heure, les cadres du parti martèlent leur appel au dialogue et demandent le retrait des forces de police de Notre-Dame-des-Landes. « Nous faisons le pari qu’on arrivera à pacifier rapidement la situation , estime Jean-Philippe Magnen. Je préfère avancer au jour le jour, car nous ne pouvons pas nous poser sans discontinuer la question de notre place au gouvernement. Sinon, autant en sortir tout de suite. »

Devant les journalistes, réunis mardi au siège d’EELV, Pascal Durand, secrétaire national du parti se charge d’insister sur la méthode Coué : « Nous sommes dans une majorité pour y porter aussi le débat » . Les écologistes, promet-il, ne renonceront « jamais ».

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