Corporatistes, les enseignants ?

Quatre grands quotidiens ont accusé les enseignants de corporatisme à propos de la réforme des rythmes scolaires. Ils pointent aujourd’hui sa difficile mise en place, notamment à Paris. Mais sans revenir sur leurs analyses…

Ingrid Merckx  • 24 septembre 2013
Partager :

Corporatistes. C’est l’accusation reprise par une partie de la presse pour fustiger ces enseignants qui protestent contre la mise en place de la réforme des rythmes scolaires.

Prétendument, ils auraient retourné leur veste, étant pour le retour à la semaine de 4,5 jours, puis contre. La raison en serait leur refus de (revenir) travailler le mercredi. Sur le mode bien connu : les enseignants ne foutent rien.

Qu’un quotidien comme le Monde défende cette ligne, même de manière aussi catégorique, n’était pas complètement surprenant. Que Libération lui emboîte le pas, avec un édito accablant de Nicolas Demorand, en a heurté plus d’un.

Et voici que, quelques semaines après la rentrée, ces deux quotidiens sont bien obligés de reconnaître que, ici et là, ça coince. Mais sans revenir pour autant sur leurs analyses passées. C’est ce que pointe l’Acrimed, revue de critique des médias, dans un article intitulé :

Haro sur la réforme des rythmes scolaires : chronique d’une amnésie médiatique.

Le Parisien n’a pas fait mieux, en titrant par exemple : « Pagaille dans les rythmes scolaires : nos enfants ne méritent pas ça ! » , en pleine grève.

Mais, une fois n’est pas coutume, l’Acrimed salue le traitement exemplaire du Figaro : le quotidien de Serge Dassault, trop content « de voir un ministre important d’un gouvernement qu’il combat en difficulté » , insiste « plus que lourdement sur des dysfonctionnements qui ne concernent après tout que 20 % environ des élèves [3], en se faisant l’écho, avec une belle capacité d’écoute envers les syndicats d’enseignants, de préoccupations qui ne sont pourtant pas toujours au cœur de ses priorités éditoriales, comme le bien-être des “personnels d’animation qui, eux, sont stressés” *, ou la capacité de la réforme à gommer* « des inégalités périscolaires qui vont de 1 à 10” … Une sollicitude pour les salariés et un souci égalitariste qui font chaud au cœur ! » , ironise l’Acrimed.

Pendant ce temps… le Snuipp, principal syndicat du premier degré, « tire la sonnette d’alarme » . À Paris du moins, trois semaines après la rentrée, « la catastrophe annoncée a malheureusement lieu »  :

– Concernant la maternelle : « L’alternance de jours irréguliers et l’utilisation des classes pour l’apprentissage et le récréatif empêchent une structuration du temps et de l’espace chez les élèves. L’insécurité générée par le manque de repères est augmentée par la multiplication des adultes référents et crée chez les élèves une grande fatigue. »

– La situation n’est pas tellement plus réjouissante en élémentaire : cette « arythmie » faisant que les élèves « sont plus fatigués, désorientés et inquiets dès qu’on évoque la sortie des classes » .

Conséquences imprévues : les écoles seraient confrontées à des problèmes d’hygiène du fait des horaires modifiés des ATE et ASEM (personnels d’entretien et d’accompagnement des élèves), du manque de remplacement et de toilettes uniques pour un nombre d’adultes qui a doublé. Il y aurait également des problèmes de sécurité résultant d’une circulation accrue d’adultes et d’élèves, laquelle serait « difficile à contrôler » .

« L’académie comme la mairie privilégient le périscolaire »

Sentiment général à Paris ? « L’académie comme la mairie privilégient le
périscolaire au détriment de leur mission d’enseignement. L’école devient un lieu d’activités et non plus d’apprentissages. »

L’utilisation des classes par le périscolaire, un des points de litige les plus importants dans une ville où la place est réduite, « prive les enseignants d’un espace de travail » . En outre, d’après le Snuipp, les enseignants « se retrouvent à devoir remettre en ordre avec leurs élèves leurs classes les lendemains des activités périscolaires. »

Pour contrer les détracteurs, le Snuipp-FSU Paris « rappelle son opposition au statu quo de la semaine scolaire réformée par Xavier Darcos en 2008 » . Mais, dans le même temps, il « réaffirme que l’ambition qu’il porte pour l’école ne peut se satisfaire du bricolage Peillon/Delanoë » .

Reste à vérifier si la situation est du même tonneau dans les autres villes passées à la réforme cette rentrée. Et aussi à prendre le pouls des professionnels du périscolaire.

À lire dans Politis :

[

Rythmes scolaires, le grand bricolage->http://is.gd/G2dzNg]

Médias
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don