Philippe Martin, la douche écossaise des écolos

Le ministre de l’Écologie est-il le nouvel incendiaire commis par Ayrault pour faire exploser les écologistes ? Entre ses déclarations privées et ses omissions, il souffle le chaud et le froid sur des troupes EELV de plus en plus excédées.

Patrick Piro  • 12 septembre 2013
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Philippe Martin, la douche écossaise des écolos
© Crédit photo: AFP PHOTO / MIGUEL MEDINA

L’écologie en sort gagnante , avait jugé en substance le ministre de la Coopération, l’écolo Pascal Canfin, lors de la nomination de Philippe Martin au ministère de l’Écologie, en lieu et place de Delphine Batho limogée début juillet. Il avait fait ses armes dans son Gers en pourfendant les vendeurs d’OGM, et il se présentait plus en cour que la malheureuse, un peu isolée au sein du PS. Tout l’été, la direction d’Europe écologie-les Verts (EELV) et leurs deux ministres se réjouissaient d’ailleurs de voir que Martin « faisait le boulot » , notamment auprès de Bercy, étrangleur patenté de budgets verts.

Lire > EELV, mince bilan

Des bonnes nouvelles de Marseille…

Et c’est la mine réjouie que Philippe Martin s’est présenté, le 22 août à Marseille, lors des journées d’été d’EELV, pour annoncer aux quelque 2 700 présents que le budget de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) allait être rétabli à son niveau antérieur, et que oui, on allait bien créer une contribution climat énergie, il en avait reçu l’assurance du gouvernement. Pour les détails ? Ben, il ne savait pas encore. Ségolène Royal s’était permise de railler ce missi dominici porteur de promesses bien floues, car, ajoutait-elle sentencieuse, en matière de fiscalité, il faut être très prudent auprès du grand public. Ses collègues de Bercy avaient d’ailleurs bien manqué de s’étrangler, mais Martin avait rallumé un peu d’optimisme dans les cœurs Verts. En quelque sorte, le « bleu » du gouvernement aurait opéré un coup de com’ au service de son patron Ayrault dans le but d’apaiser des écolos de fort mauvaise humeur après l’éviction de Delphine Batho, deuxième ministre de l’Écologie du mandat Hollande débarquée, après Nicole Bricq en juin 2012.
Il prenait cependant prudemment soin d’ajouter que « pour le diesel, le gouvernement ne s’était pas encore prononcé » . Personne ne lui en avait tenu rigueur : dans le contexte, ce fut interprété par ses auditeurs comme un « ça ne saurait tarder ».

…aux désillusions de septembre

Et puis voilà qu’après avoir soufflé le chaud, le ministre jette hier un très gros froid sur la planète écolo : « Il n’y a pas, à ma connaissance, de disposition qui concerne de manière spécifique ce qu’on peut appeler la convergence fiscale du diesel et de l’essence » , indique-t-il. Fureur des floués, à EELV : mais quelle allure aurait une fiscalité écologique si l’on n’entame pas enfin cet avantage climaticide et homicide (les particules diesel sont responsables de plus de 15 000 décès prématurés chaque année) ? Martin s’est empressé de ramer en arrière : on l’avait mal compris, il ne cautionne pas le fait « de fermer la porte à une hausse du diesel » , ni n’affirme « que l’avantage fiscal sera maintenu, je ne le sais pas et je ne le dis pas » . Bref, le ministre ne sait rien, et il le fait savoir.
Alors, de deux choses l’une : ou bien Martin se révèle, à grande vitesse, un beau gaffeur ; ou bien il est aux ordres d’un plan qui le dépasse : après avoir estimé que l’on pouvait se rabibocher avec les écolos, on aurait estimé, en haut lieu, que le prix politique à payer pour rester bons alliés était décidément trop élevé à quelques mois d’élections qui s’annoncent déjà punitives pour le PS. Confirmation de la bouche d’un ministre qui, lui, semble invité aux réunions où se prennent les décisions : « Dans la mesure où elle est très pénalisante pour un certain nombre de ménages, [la piste d’une augmentation de la taxation du diesel] est à ce jour abandonnée » , a clarifié Alain Vidalies, le ministre des relations avec le Parlement.

Politique
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